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Le Kintsugi japonais souligne les brisures avec de l’or |
Tomber sept fois, se relever huit : quelles sont les véritables vertus de l'échec ?
Qu’il soit professionnel ou sentimental, un échec révèle que nos désirs ne deviennent pas toujours réalité. Il laisse une cicatrice douloureuse, dans une société marquée par la tyrannie de la réussite. Ce revers ne peut se surmonter qu’au prix d’un cheminement intérieur.
L’important n’est pas ce que l’on ne réussit pas, mais ce que l’on fait de cet échec…
Zéro pointé, éliminé, disqualifié, refusé, largué, licencié, endetté… Cette litanie fait surgir des fantômes grimaçants : peurs d’enfant, rêves brisés, espoirs déçus. L’estime de soi, devrait toujours être dans le positif, même et surtout quand nous chutons. Or un échec trop humiliant ou une série d’échecs répétés viennent l’éroder.
À l’ère de la performance, un déboire suscite en effet des émotions négatives fortes : honte, culpabilité, colère, etc.
Nul ne peut effacer, d’un coup de baguette magique, la négociation ratée ou l’objectif manqué. Un échec en soi n’a jamais de sens. Mais il fait partie de notre réalité. Il révèle nos pauvretés, nos misères, nos dysfonctionnements et ceux des autres… Le reconnaître est essentiel pour faire le deuil d’un idéal, préserver son énergie psychique, éviter d’en faire une obsession, voire d’arriver à un burn-out. Nommer le réel rend la situation plus intelligible. Comment est-ce que je considère mon échec ? À quoi je l’attribue ? À moi ou aux autres ? L’attribution peut en effet être interne (s’incriminer, parfois à tort ou à l’excès) ou externe (rejeter la responsabilité sur l’arbitre, le juge ou les profs). Dans les deux cas, il s’agit d’un biais cognitif qui empêche d’avancer.
« Vous pouvez le faire si vous croyez que vous le pouvez ! ». Quoi de plus violent sincèrement ? Jamais aucune pensée positive ne pourra effectivement combler le fossé qui existe, par exemple, entre les opportunités offertes à un ingénieur réputé et celles gagnées à la sueur de son front par un ouvrier lambda lorsqu’ils se retrouvent tous les deux sans emploi. Ce mythe de la réussite par la fable de ses mérites, donc de ses souffrances. Tout le monde n’a pas les ressources financières, mentales et même morales pour se relever, sinon pour rebondir après un échec.
D’autant qu’un échec se mesure aussi à l’aune de sa dimension et de son intensité. Rater sa mayonnaise ou son créneau n’a pas la même répercussion qu’un mariage aboutissant à un divorce, un célibat non choisi, la stérilité, le suicide d’un proche… « On n’a pas de réponse à tout, accorde Lucille Garric, philosophe praticienne, ce qui montre nos limites, notre vulnérabilité, qui nous relient à notre humanité. Il existe des impasses qui, comme dans un labyrinthe, nous contraignent à faire demi-tour. Les stoïciens invitent à distinguer ce qui dépend de nous de ce qui ne nous appartient pas. Dans la relation, l’autre demeure une inconnue, un mystère insaisissable. L’acceptation, qui renonce à élucider le pourquoi, procure la paix de l’esprit. »
Par Stéphanie Combe
la vie.fr