19 novembre 2024

L‘ÉGLISE PERSÉCUTÉE

 


"Dans un sens, je garde une certaine nostalgie de la prison. J’étais plus près de Dieu."

La pierre angulaire de mon travail en Suisse sera d’aller dans les églises pour les informer sur la situation de l’Eglise persécutée dans le but de susciter des prièresh et du soutien. J’étais plein d’enthousiasme de pouvoir apporter un message au nom des chrétiens persécutés. Le sujet était certes dramatique, mais il était sublimé par la force des témoignages. J’aurais pu tomber dans le piège du "sensationnalisme" en insistant sur les aspects les plus terribles de la persécution et Dieu sait s’il y en avait, mais cela aurait détourné l’essence même du message, l’action de l’Esprit-Saint qui, dans les situations les plus désespérées, manifeste une présence que le monde ne peut pas percevoir. Il ne s’agit pas de merveilleux, la prison restant la prison et les souffrances restant bien réelles. Mais, comme me disait le Père Calciu qui avait passé 21 ans en prison à cause de sa foi en Roumanie, "dans un sens, je garde une certaine nostalgie de la prison. J’étais plus près de Dieu." Cela résumait bien l'essentiel du message de l’Eglise persécutée. C’ est aussi un message d’unité qui s’adresse à tous les chrétiens. Il n’est pas dogmatique mais repose sur des témoignages de la présence de Dieu dans des situations concrètes. Il est encourageant par les exemples de foi, de courage et de fidélité. A cela s’ajoute le pardon et l’amour des ennemis, ce qui peut nous sembler irréels, étant donné la cruauté des persécuteurs.


Pierre Tschanz, pasteur évangélique suisse
in „L‘Église persécutée“, en préparation

16 novembre 2024

LES BREBIS DU TROUPEAU

 

Sage brebis ? indépendante ? ou égarée ?

De quelle espèce êtes-vous ? Sage brebis du troupeau ou brebis égarée préférant suivre son propre chemin ? Certains pensent qu’ils ne se sont pas trop éloignés du berger. Ils ne sont pas comme ces brebis indépendantes qui filent dès qu’elles en ont la possibilité.

D’après l’Évangile, Dieu aurait une préférence pour celles qui lui donnent du fil à retordre, celles après qui il doit courir. Cela voudrait-il dire que les autres seraient moins aimées ? Thérèse de Lisieux écrit : « Je le sais : “celui à qui on remet moins, aime moins” mais je sais aussi que Jésus m’a plus remis qu’à sainte Madeleine, puisqu’il m’a remis d’avance, m’empêchant de tomber. » (Sainte Thérèse de Lisieux, Manuscrits Autobiographiques MA, 38v°15s.) Elle prend ensuite l’image d’un père médecin soignant son fils qui, du fait d’une pierre, est tombé sur la route. Le fils est reconnaissant à son père de l’avoir soigné, mais, ajoute-t-elle, si le père, sachant qu’une pierre risquait de faire tomber son fils, était allé en avant retirer la pierre pour lui éviter de se blesser, le fils, l’apprenant, lui en serait encore plus reconnaissant que s’il était tombé.
Thérèse achève en écrivant : « Eh bien c’est moi qui suis cette enfant, objet de l’amour prévoyant d’un Père qui n’a pas envoyé son Verbe pour racheter les justes mais les pécheurs. Il veut que je l’aime parce qu’il m’a remis non pas beaucoup, mais TOUT. » (Sainte Thérèse de Lisieux, Manuscrits Autobiographiques MA, 38v°, 20-39r°, 5). Nous sommes tous redevables au Christ Jésus, il nous a tout remis.

Frère Patrick-Dominique Linck

Extrait de Lumières dans la Bible (2020)

13 novembre 2024

LA FIN D‘UN MONDE Luc 13, 24-32



« Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas »


Après une grande détresse, vient souvent une fin : fin d'un projet de

vie qui tenait à cœur, fin d'une relation et deuil d'une personne

aimée, fin d'une activité qu’une nouvelle condition physique ou

sociale ne permet plus de pratiquer, fin d'une maison familiale

emportée dans les inondations. Les catastrophes et les détresses nous

poussent parfois à changer, dans la douleur. 

Jésus parle de l’attente de son retour. Une attente active, attentive

aux signes qui ne font pas de bruit. La tendresse des branches et des

feuilles contraste avec la violence des catastrophes naturelles et la

détresse du monde. Dans quelques semaines nous entrerons avec

l’Eglise dans le temps de l’Avent. Je confie au Seigneur les défis du

monde et de ma vie qui me découragent. Je lui demande de pouvoir

goûter à l’attente heureuse de Noël et de son retour.


L’Eglise reconnaît Jésus comme le Verbe de Dieu, présent dès avant

la création du monde. Ecoutons-le nous dire : « Le ciel et la terre

passeront, mes paroles ne passeront pas ».

Le monde change, il évolue, c’est une Création inscrite dans le temps. 

La Parole de Dieu se renouvelle hors du temps, auprès du Père. Elle nous

façonne comme elle a façonné des milliers de générations avant

nous. Dans ce dialogue avec l’humanité, elle prend Vie.


© AELF

prieenchemin.org

11 novembre 2024

LE RÊVE AMÉRICAIN

 

Un fort parfum d‘égoísme

L’unité de la famille humaine passe par l’abandon de l’esprit de domination

Le rêve américain, dans sa version trumpienne, a un fort parfum d’égocentrisme, où seuls compteraient les États-Unis, leur puissance et leur confort. C’est le rêve d’une tranquillité domestique dans sa maison, dans son État, dans ses frontières, associée à la garantie d’une protection plus grande.  

C’est un rêve dans lequel les limites de la terre s’évanouiraient. L’énergie n’y serait plus un problème; l’espace au-dessus de nos têtes deviendrait un lieu de tourisme et la planète Mars une destination prochaine pour l’humanité. Un rêve pernicieux qui parvient à cacher cette prévision peu réjouissante que, devenu projet politique, il pourrait bien avoir des conséquences douloureuses.

Des millions de personnes, américaines ou non, y ont prêté foi, y compris des chrétiens très nombreux à avoir soutenu le nouveau président. Passé la période électorale, il importe sans doute de se rappeler que le propre de la foi chrétienne est d’être réaliste. 

La vie de Jésus est marquée par son temps et les épreuves de toute existence humaine. Sa voix appelle inlassablement à l’unité de la famille humaine qui passe par l’abandon de l’esprit de domination. Et cette vérité n’a jamais empêché personne de rêver.

P.Arnaud Alibert, assomptionniste, rédacteur en chef à La Croix


8 novembre 2024

QUAND LE SCROLLING DEVIENT DÉPENDANCE



Nous laisse-t-il une impression de vide à la fin de la journée ou nous rapproche-t-il  de Dieu?

Bien qu’il n’ait jamais connu l’invention des smartphones ou des ordinateurs, saint François de Sales parle d’une forme d’addiction similaire. « Les jeux, les festins, les parures ne sont pas de mauvaises choses en soi, mais on peut en faire un bon ou un mauvais usage, ce qui est mal c’est de s’en affectionner. Que des petits enfants s’échauffent à la poursuite des papillons, personne ne le trouvera mauvais; mais n’est-ce pas une chose ridicule, ou plutôt lamentable, de voir des hommes se préoccuper et se passionner pour des bagatelles. » Les activités mondaines peuvent éloigner de Dieu, et cela est valable aussi pour le scrolling incessant.

Beaucoup disent manquer de temps pour prier, et poutant la plupart de ces personnes trouve le temps de consulter leur téléphone d’innombrables fois par jour. Il peut donc être utile d’évaluer ses habitudes quotidiennes avec son smartphone et de les examiner sérieusement, en discernant si elles nous laissent une impression de vide à la fin de la journée ou si elles rapprochent de Dieu.

Aleteia, 7/10/2024


5 novembre 2024

L‘ ÂME COMME UN JARDIN DE QUIÉTUDE

 


« Le repos, un combat spirituel ? »

Comment répondre spirituellement à l’agitation et à la fatigue des temps modernes ? Comment tracer un chemin vers le repos alors que tout, autour de nous, promeut la curiosité et l’insatiabilité, la mobilité permanente et la performance ? Le repos dans l'Ancien et le Nouveau Testament, les mystiques et le repos, « le repos un combat spirituel ? »... 

Thérèse d’Avila témoigne des délices de « l’oraison de quiétude », stade ultime de la prière. Dans son autobiographie, elle invite à considérer l’âme comme un jardin où Dieu vient se promener. Dans le premier degré de la prière, l’âme arrose son jardin avec beaucoup d’efforts, après avoir creusé un puits. Dans le deuxième, elle utilise une roue, ce qui lui facilite le travail d’arrosage. Dans le troisième, Dieu vient à son aide en se faisant « quasiment jardinier » et des canaux irriguent le jardin, ce qui dispense d’avoir à manipuler l’eau. Dans le quatrième degré, enfin, Dieu pourvoit aux besoins de l’âme. « L’oraison de quiétude, l’oraison de repos en Dieu, c’est quand il pleut dans le jardin de l’âme et que celle-ci n’a rien à faire qu’à laisser pleuvoir. C’est un repos venu du ciel, un don, comme la rosée, comme la manne ».

Élodie Maurot, journaliste à La Croix 

Une petite spiritualité du repos, le 11/08/2022 

La Croix



2 novembre 2024

LE PARFUM DE LA PRIÈRE

 

Image prier-presse.fr


Qu’ est-il advenu de celui que j’ai aimé ? 

La séparation de la mort est si radicale que nous n’avons aucun point d’appui, aucune expérience pour savoir où ils sont. Ont-ils disparu dans le néant, dans une autre dimension ? Sont-ils devenus des étoiles ? Se sont-ils réincarnés en insecte, en future star de cinéma. Sont-ils vivants auprès de Dieu ? Les personnes en deuil nous posent souvent cette question, qu’elles soient croyantes ou pas.

Face au mystère de la mort, il est beau de constater que l’homme porte en son cœur l’intuition que la relation n’est pas terminée, que la personne n’a pas disparu dans le néant. Quelque chose résiste. Sinon, pourquoi accompagner la mort de rites et de symboles ? Ce n’est pas uniquement pour pleurer le défunt ou en faire mémoire. N’est-ce pas aussi pour exprimer un cri de révolte et de refus face à la fin définitive de la vie et de la relation ? Ce n’est pas possible que tout soit fini !

Pour nous chrétiens, ce pressentiment est illuminé par le mystère de la résurrection du Christ. Jésus, le fils de Dieu fait homme, a traversé la mort. Il n’est pas seulement revenu à la vie, mais il nous a élevés à un nouveau mode de vie, supérieur à la vie biologique, la vie en Dieu, pour toujours.

Nous ne savons pas ce qu’il y avait dans le cœur de mamie lorsqu’elle est morte : était-il ouvert à l’amour, s’était-il refermé à cause de trop nombreuses déceptions, la solitude, la douleur ? Y avait-il un mélange entre le désir du bien et quelques compromissions avec le mal ? Seul Dieu le sait. Mais nous, pouvons toujours espérer et prier pour elle avec confiance.  

Don Paul Denizot, recteur du sanctuaire de Montligeon (France)

https://www.prierdanslaville.org/


1 novembre 2024

LE VRAI REPOS

 

Visage du Christ (XIIIe s.) découvert récemment dans le sol
de Notre-Dame de Paris

„Le psalmiste expérimente le repos, parce que Dieu est là“

Le «repos» est un terme théologique, profond et décisif. Il n’est pas synonyme de vacances. Le repos, dans la Bible, c’est «être avec Dieu». Tout se comprend à partir de là. La Bible est une longue méditation sur le repos: le vrai repos, le faux repos, etc., si bien que l’on peut jouir du repos dans des situations où, pourtant, du point de vue physique ou psychologique, on semble en être éloigné. Voilà l’expérience du psalmiste! Dans la situation terrible qu’il décrit, il expérimente le repos parce que Dieu est là. Le repos, c’est donc une réalité théologale. Dans le Ps 22(23), le psalmiste dit que Dieu le «mène près des eaux du repos» (v. 2) et il dit aussi: «tu dresses devant moi une table en face de mes ennemis» (v. 5). Le repos, ce n’est donc pas l’absence d’ennemis! Au cœur des difficultés, les ennemis sont en face de moi, mais je suis emmené vers les eaux du repos par Dieu. Si j’ai cette intimité avec Dieu, ce dialogue avec Dieu, ce partenariat et ce soutien de Dieu là où je suis, je suis dans le vrai repos.

P. Philippe Lefebvre, dominicain, professeur à l’Université de Fribourg

www.cath.ch

*****

Les jours fériés sont des jours de repos, où l’on pense à soi, et ce n’est pas un mal ! Des jours pour la conquête amoureuse ou les retrouvailles amicales… Avec le repos hebdomadaire, ils alimentent en nous le désir de paix. N’est-ce pas ce dont notre civilisation a le plus besoin ?

Quand ils ne servent pas à remplir nos caddies ou à partir en avion à l’autre bout du monde, les jours fériés sont les alliés de la slow life, où nos vies émettent moins de carbone. Mieux que respecter la nature, nos activités souvent l’entretiennent. N’est-ce pas ce dont la terre a le plus besoin ?

Plus pacifique, plus lente, notre vie se remet à croire qu’il est possible de désensabler la source, de s’ouvrir à Dieu, d’entendre les paroles de sagesse qui viennent jusqu’à nous depuis les fonds des temps. N’est-ce pas ce dont notre envie de croire a le plus besoin ? 

Arnaud Alibert, assomptionniste, rédacteur en chef à La Croix


30 octobre 2024

QU‘AS-TU FAIT DE TON FRÈRE ?



Qu’en est-il de ma recherche de justice ? 

Le mot « évangile » en grec veut dire ‘Bonne Nouvelle’, une bonne nouvelle, de celles qui font jubiler ? Ne serait-ce pas le contraire ?
Qu’en est-il de ma recherche de justice ? Il y a la justice du droit traitée dans les tribunaux mais il existe aussi d’autres justices : la justice figurant sur la charte des Droits de l’homme : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Est-ce bien le cas autour de moi ? Il n’est pas besoin d’aller au bout du monde pour trouver des situations d’injustices ; il nous faut nous déshabituer de trouver normal d’avoir des gens qui mendient leur repas du jour ou une nuit d’hôtel. Il nous faut nous déshabituer de voir des personnes prostrées dans la rue, à même le trottoir, de voir des hommes et des femmes migrants qui cherchent, comme ils peuvent, à vivre ‘normalement’.
Cette question que Dieu pose à Caïn : Qu’as-tu fait de ton frère ? doit résonner à mes oreilles. Elle doit me pousser à sortir de mon univers ordinaire pour m’inquiéter de ceux qui, autour de moi, ne vont pas bien. Alors, alors seulement, mon cœur pourra être le Royaume de Dieu !

Frère Antoine de la Fayolle, dominicain 

prierdanslaville.org

28 octobre 2024

BURUNDI: VULNÉRABILITÉ ET MISÉRICORDE

 

P. Emmanuel Ntakarutimana

Vivre en frères d’ethnies différentes est déjà une prédication sans paroles

La vulnérabilité, le P. Emmanuel Ntakarutimana, supérieur des dominicains à  Bujumbura (Burundi), l’a lui-même expérimentée. « Il y a quelques années, quand on me parlait des droits humains dans la mission de l’Ordre dominicain, j’en avais une vision très théorique », lui qui a été président de la Commission nationale indépendante des Droits de l’Homme dans son pays aujourd’hui déchiré.

« Et puis j’ai été confronté à des situations existentielles qui m’ont forcé à marcher sur les cassures de l’expérience humaine. Quand on doit s’exiler de son pays pour échapper à la tempête, on est obligé de s’interroger sur sa propre vulnérabilité. Cela nous oblige à développer en nous la vertu de miséricorde en y intégrant nos propres blessures. « 

Lui non plus n’oublie pas le témoignage de la vie fraternelle. « Dans mon pays, vivre en frères d’ethnies différentes est déjà une prédication, même si nous ne disons pas un mot », raconte celui qui a vu certains de ses frères rwandais arrêtés et malmenés par la police politique.

« Le charisme de l’Ordre est de rappeler à l’Église qu’elle est une famille qui s’édifie en prêchant l’Évangile. Dans une famille, tout le monde a la capacité de prendre la parole. Cette famille ne peut se faire si des gens restent en marge: la fraternité est centrale, chaque voix compte. »

P. Nicolas Cenèze, congrès pour la mission, janvier 2017, Rome

La Croix

25 octobre 2024

LA LUMIÈRE DE L‘ÉVANGILE

 



L‘Église doit garder une existence publique 

Il est évident qu’en période de restriction, on n’allume pas une lampe pour la cacher sous le lit, mais on la place au milieu de la pièce. Le Christ a allumé sa lampe en venant au milieu du monde. Il ne s’est pas caché au fond d’une grotte, mais il a donné à sa parole et à sa personne un statut public. À sa suite, l’Église ne cherche pas à se cacher. Elle est simplement le chandelier où brille la lumière de l’Évangile pour que tout le monde s’y éclaire et y reconnaisse la révélation de Dieu. Cela veut dire que nous ne rencontrons pas d’abord la Parole de Dieu dans une sorte de recherche purement individuelle. Par son existence publique, la Parole de Dieu vient à notre rencontre.

Sur Prier dans la ville, chacun fait quotidiennement l’expérience de cette proposition publique de la lumière de Dieu, de la révélation de Dieu. L’Église doit donc garder une existence publique, au grand jour et au grand vent, pour proposer à tout homme l’Évangile comme lumière de Dieu pour ce monde.

Frère Yves Habert
prierdanslaville.org



21 octobre 2024

BUTS DE GUERRE. ESPRIT DE PAIX

 


Le but de la guerre est d’obtenir par la violence ce qu’on n’a pas trouvé dans le dialogue


Quand la guerre semble triompher comme mode de relation, quand les esprits s’échauffent pour un rien, comment ne pas être pris par un mouvement en spirale dépressive où tous les malheurs coagulent? Foi et espérance aident à faire tomber les masques.

Les stratèges et les diplomates rivalisent de subtilités pour déceler ce qui pourrait constituer les buts de guerre. À Gaza, au Liban, dans l’est de l’Ukraine, et en bien d’autres lieux encore… Cette formule, à laquelle on pourrait s’habituer sans y prendre garde, essaie de donner une raison à ce qui n’en a pas. Car tout le monde sait que le but de la guerre est d’obtenir par la violence ce qu’on n’a pas trouvé dans le dialogue. En soulignant tout de suite quand même, que celui qui se défend d’une agression extérieure, comme l’Ukraine, n’a pas réellement un but de guerre : il s’agit simplement de survivre.

Si donc la guerre n’a pas de but, que faire de l’avalanche d’images de villes dévastées et d’informations qui oscillent entre gris clair et noir d’encre ? Quoi pour nous mettre un peu de baume au cœur ?

S’informer avec calme, recul et confiance; il est plus que jamais nécessaire de ne pas rester indifférents, montrant ainsi notre empathie, notre capacité à prendre en nous quelque chose du malheur des autres.


Arnaud Alibert, assomptionniste, rédacteur en chef à La Croix

éditorial 

18 octobre 2024

ÊTRE COHÉRENT

 

Place Saint-Pierre une sculpture en bronze de 140 migrants


Proposer une politique sur le sujet migratoire est noble et nécessaire.


Or, de quoi parle-t-on ? De la famille humaine, certes répartie entre différents continents et plus encore de pays mais qui est avant tout une. Elle est traversée par de puissants mouvements migratoires qui ont moins pour cause initiale les politiques en place des éventuels pays d’accueil qu’avant tout l’état de leur pays d’origine : guerre, persécutions, impasse économique, système politique fermé sur lui-même, changement climatique. Beaucoup de responsables dans nos pays européens croient le contraire et multiplient les propositions pour les endiguer : accords avec les pays de transit, transfert dans des pays tiers, suspension temporaire du droit d’asile, etc.

Il faudra faire un bilan de leur efficacité. Mais sans attendre peut-on au moins leur faire passer un double test ? Celui de la cohérence avec notre histoire jusqu’à aujourd’hui : combien de ministres, députés, PDG ou de personnes exerçant tout autre emploi manqueraient à l’appel si nos portes avaient été fermées il y a un demi-siècle ? Et celui, plus ­spirituel, de l’hospitalité. Il y a cinq ans, presque jour pour jour, le pape François inaugurait place Saint-Pierre une sculpture en bronze de 140 migrants qui lance au monde entier cette parole ­biblique : « N’oubliez pas l’hospitalité : elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges. » 

Arnaud Alibert, rédacteur en chef à La Croix

éditorial 16 octobre 2024




16 octobre 2024

AU COEUR MÊME DE L’ÉPREUVE

 


Est-il possible de donner un sens à ce qui nous arrive ? 

Que se passe-t-il lorsque la crise vient, une crise qui semble tout emporter ? Est-il possible, au cœur même de l’épreuve, du deuil, de la maladie, de ces maux extérieurs, de donner un sens à ce qui nous arrive ? Alors qu’il était atteint du cancer, Alexandre Soljenitsyne le pensait. Il a écrit à ce moment-là : la liaison des cœurs (l’amour donc) et notre point de vue sur notre vie sont toujours en notre pouvoir... (cf. Le pavillon des cancéreux).

Nous ne devrions pas craindre les crises dit notre frère Timothy Radcliffe. C'est lorsque tout paraît fini, dans notre vie personnelle ou communautaire, que le Seigneur se manifeste d'une façon nouvelle et secrète. C’est tellement important pour lui, qu’il en parle souvent. Il parait même que des frères lui ont offert un T-shirt sur lequel est inscrit : Bonne crise Timothy !

Notre vie, même malmenée, reste précieuse, Dieu peut la transformer si, à la suite du Christ, je décide que ma vie, nul ne la prend. Je la donne. Je peux donner mon corps, c’est-à-dire toutes les forces de vie qui sont en moi, je peux donner mon sang, c’est-à-dire mes épreuves, mes difficultés, à travers des actes aussi simple qu’un sourire, un geste partage. Peut-être que je ne le verrai pas mais, dans l’espérance, je sais que je participe à l’œuvre du Salut.

La maladie est un mal qu’il faut combattre. Elle nous menace, physiquement et spirituellement. Elle menace de nous enfermer, de nous isoler et de nous plonger dans la désespérance. Le Christ le sait, lui qui s’est fait si proche de ceux qui souffraient et qui étaient malades. Il sait combien nous avons besoin de soutien, de proximité et de tendresse dans ces moments. Il veut emplir notre souffrance de sa présence pour nous donner de pouvoir vivre notre vocation.

Frère Olivier de Saint-Martin

Pèlerinage du Rosaire - Lourdes, le 4 octobre 2024




13 octobre 2024

NOTRE PÈRE QUI ES AUX CIEUX

 


Dire ces mots pour tous ceux qui ne peuvent pas les dire.

Cette prière du Notre Père souvent récitée en mode pilote automatique, comme des moulins de prière, est celle que le Fils disait à son Père. Le souffle du Verbe fait chair a prononcé ces mots, les a façonnés, les a polis à force de les dire avec intensité. Il ne dépend que de moi - avec l’Esprit Saint - de travailler à lester ces mots du poids d’amour et de confiance qui unissait le Fils au Père. Par ces mots, je peux participer au désir du Fils d’entrer dans le vouloir du Père. Je peux prêter ma bouche et mon cœur pour dire ces mots pour tous ceux qui ne les connaissent pas, pour tous ceux qui ne peuvent pas les dire. Ceux dont l’expérience paternelle rend insupportable toute adresse au père ; ceux qui ont faim du pain de l’âme, du cœur ou de la présence. Ceux qui sont incapables de pardonner sans l’Esprit qui unit le Fils au Père. Ceux qui ne savent pas ce qu’est aimer.
En entrant dans la prière de Jésus comme en un temple, portons avec nous tous ceux qui n’en trouvent pas l’entrée.

Frère Antoine de la Fayolle, dominicain 

prierdanslaville.org

10 octobre 2024

LE MONDE COMME DIEU LE VOIT

 

Celui qui a créé les étoiles m’appelle par mon nom

L’invisible, c’est ce à quoi nous a rendu aveugles une certaine manière de voir

Je croyais que l’invisible appartenait aux anges, messagers immatériels dont les ailes sont pour nous rappeler que, sitôt dit ce qu’ils avaient à dire, ils sont déjà ailleurs. Je croyais que l’invisible, c’est ce qu’on ne peut pas voir. Ou pas encore. Qu’il fallait que ce monde disparût pour que l’autre paraisse. Il y a un Ciel, un Paradis où l’ange cesse de nous échapper. Je n’avais pas encore perçu ceci : l’invisible est plus que ce qu’on ne voit pas. C’est le monde comme Dieu le voit. C’est le monde que l’on a sous les yeux mais sous un autre jour, quand la grâce, soudain, perce sous la nature et le Royaume surgit au cœur de ma cité-dortoir. 

L’invisible, c’est ce à quoi nous a rendu aveugle une certaine manière de voir, cette façon qu’on a de buter à la surface des êtres. Un regard qui s’habitue peu à peu s’éteint. Il se met à lire en diagonale. Il passe à côté du message et du messager. Sous l’apparence humaine, il n’aperçoit plus l’ange venu nous visiter. Être chrétien, c’est sans cesse traduire. Traduire telle parole blessante en une blessure qui ne s’avoue pas – qui a peut-être besoin de nous pour se dire autrement que méchamment. Ou bien entendre, dans les gestes maladroits de ce caissier novice (fait-il exprès d’ignorer à quel point je suis pressé ?), la leçon que lui, mon prochain, m’offre : « Ne t’impatiente pas. Au contraire, sois-moi présent. Pour ne pas regretter. Car il n’y a qu’une place où tu arrives toujours en retard : celle que tu occupes actuellement. N’est-ce pas en effet à cette place seulement que tu peux aimer ? »

Martin Steffens
Professeur de philosophie en classe préparatoire

La Vie, 3 octobre 2024

8 octobre 2024

POURQUOI, SEIGNEUR ?

 

« Mon Dieu, mon Dieu,
pourquoi m’as-tu abandonné ? »


Exprimer ces questions au Seigneur peut constituer un début de réponse.


Le  plus grand pourquoi, celui qui revient le plus souvent, c’est bien celui de l’absence apparente de Dieu : « Pourquoi, Seigneur, es-tu si loin ? Pourquoi te cacher aux jours d’angoisse ? » (Psaume 9B, 1). Cette interrogation sur le pourquoi de l’absence apparente de Dieu culmine avec ce cri qui ouvre le psaume 21 et que Jésus fera sien sur la Croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Leur actualité ne s’est jamais démentie. L’existence des êtres humains, et la vie chrétienne n’y échappe en rien, est traversée par cette quête de sens, cette éternelle question du pourquoi. Avant même de donner des réponses, Dieu exprime à l’homme le fait qu’il entend ces pourquoi. Non seulement il les entend, mais il s’en rapproche, il les dit avec nous. La Parole de Dieu, la Bible, nous donne les mots qui permettent d’exprimer ces questions.

Lorsque ces pourquoi sont exprimés, on constate que, bien souvent, la réponse n’est pas donnée, du moins pas immédiatement. On ne saisit pas bien le contenu de la réponse mais on assiste à la transformation de celui qui était accablé par la douleur et qui se déploie dans la louange.

Les réponses à nos questions, comme dans les psaumes, ne nous seront pas toujours données. Il nous faut commencer par accepter que tout ne sera pas compréhensible. Nous ne pouvons pas mesurer Dieu, c’est lui qui nous mesure. Pourtant, nous pouvons aussi expérimenter que le fait même d’exprimer ces questions au Seigneur peut constituer, mystérieusement, un début de réponse. Adresser nos questions au Seigneur, lui exprimer nos interrogations, nos doutes, notre incompréhension voire notre révolte est déjà un chemin sur lequel le Seigneur vient nous rejoindre et nous transformer. N’hésitons donc pas à laisser notre cœur lui lancer ce « Pourquoi, Seigneur ? »


P. Alain de Boudemange, professeur de théologie biblique

Prier,  octobre 2024