17 août 2017

LE BLEU MARIAL





La sainte Vierge vêtue d’un manteau bleu, les Noces de Cana sous l’azur céleste... Autant de choix chromatiques qui semblent relever de l’évidence et que l’on peut observer dans un nombre incalculable d'œuvres majeures de la peinture européenne. Pourtant le bleu n’est apparu dans l’art occidental que fort tardivement, et ce grâce à l’intercession de la théologie et de la dévotion chrétienne. Les Grecs voyaient la mer verte, les Romains voyaient le ciel jaune… Mais les primitifs italiens ont commencé à changer ces codes, allant jusqu’à appliquer sur le manteau de la Vierge une couleur presque inexistante, voire mal aimée : le bleu.
Les historiens du XIXe siècle pensaient que les Grecs ne voyaient pas le bleu. Mais ce n’est pas un problème de vision, mais bien un souci de vocabulaire et de société. La couleur bleue jouait un rôle si minime qu’il n’existait pas de mot dans les langues grecques ou latines pour la désigner. Cette marginalité est telle que lors de la formation des langues romanes, c’est un vocabulaire venu des cultures germaniques ou arabes qui est utilisé pour créer les mots « bleu » et « azur ». Chez les Romains, cette couleur était associée aux barbares : avoir les yeux bleus était dévalorisant et personne ne portait de vêtements de ce coloris avant le IIIe siècle. Mais peu à peu le bleu va passer de la couleur des barbares à la couleur de la divinité.
Les XIIe et XIIIe siècles marquent une « révolution du bleu ». Cette révolution naît de la théologie. Dieu est un dieu de lumière et celle-ci se manifeste de deux façons : la lumière divine (lux) et la lumière terrestre (lumen). Pour les différencier il fallait trouver une technique dans les images : c’est comme cela que le ciel — la couche atmosphérique — devient bleu, alors que l’or était utilisé pour représenter la lumière divine et le ciel  — paradis céleste.
(...) Dans l’art religieux, la Vierge est presque toujours représentée avec un manteau bleu. Les raisons de ce choix relèvent plus de la dévotion que de la théologie. Au Moyen Âge en effet, le culte marial est en pleine expansion. On choisit à cette époque de revêtir la Madone d’une couleur aux pigments coûteux. Le lapis-lazuli était si précieux qu’il coûtait aussi cher que l’or, sinon plus. C’est donc la raison pour laquelle ces pigments furent réservés aux représentations de la Vierge.
(Dans l’art byzantin, la Mère de Dieu (theotokos) était souvent représentée avec un manteau de couleur noire, signe de deuil face à la mort son fils.)

Anne-Victoire Morard, essayiste
Extrait de „Comment interpréter la couleur bleue dans l’art chrétien ?“
15/08/2017
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