ORDONNÉ PRÊTRE À DACHAU

          « Nous brûlons d’amour pour le Christ et pour tout être humain, nous jetons au feu toute haine… »

Ordonné prêtre au fond même d’un camp de la mort, alors qu’il est atteint de tuberculose et n’a plus que quelques mois à vivre, Karl Leisner ensemence ce monde d’horreur avec la joie.

Le 17 décembre 1944, troisième dimanche de l’Avent (dit de la joie), à Dachau. Devant le baraquement 26, un prisonnier juif joue du violon, sous l’œil attentif des gardiens. Il détourne en réalité leur attention de ce qui se trame clandestinement derrière lui. Dans ce camp d’extermination de prêtres, Mgr Gabriel Piguet, évêque de Clermont-Ferrand, entouré de ministres d’une vingtaine de nations, consacre prêtre pour l’éternité Karl Leisner, à qui il reste huit mois à vivre.

Cet événement unique est aussi l’aboutissement de secrets préparatifs auxquels juifs, orthodoxes, protestants ont participé. On se procura le saint chrême et les autorisations de l’évêque de Karl (Münster) et de celui du lieu (Munich). Un Russe ouvragea un anneau épiscopal, un bénédictin allemand façonna une crosse en chêne, un prêtre confectionna les ornements, un oblat anglais la mitre, un pasteur protestant les sandales liturgiques. Une répétition de la cérémonie a même eu lieu ! Jusqu’au dernier jour, la surveillance des SS dut être déjouée.

Pendant ce temps, à l’infirmerie, l’ordinand, tuberculeux, essaya de refaire ses forces et de se préparer spirituellement.

Karl est né en 1915 en Rhénanie. Dès l’enfance, à Clèves, il a appartenu à des mouvements de jeunesse catholiques au sein desquels il se révéla être un pédagogue doué, plein de joie et d’enthousiasme, ce qui plus tard le rendra suspect aux yeux de la Gestapo.

Quelque temps après avoir été ordonné diacre en 1939, il est dénoncé pour un mot malheureux contre Hitler et envoyé au camp de concentration de Sachsenhausen, puis à Dachau. Il signe alors ses lettres Immerfroh, « celui qui est toujours dans la joie ».

Karl Leisner (1915-1945)

Les privations, le travail et les rigueurs de l’hiver aggravent sa tuberculose. Dès 1941, il rejoint le quartier des malades, sorte de mouroir où règnent la souffrance et la mort. Dès qu’il le peut, le diacre passe de lit en lit, apportant une parcelle d’hostie, une parole de réconfort ou son morceau de pain.

Lorsque le camp est libéré en avril 1945, le jeune prêtre est transféré au sanatorium de Planegg, où il meurt le 12 août suivant. Il a 30 ans.

Lorsque Jean-Paul II le béatifie à Berlin, en 1996, il le cite en exemple pour la jeunesse d’Europe.

Marie-Christine Lafon, essayiste

Bienheureux Karl Leisner, ordonné prêtre à Dachau

famillechretienne.fr no 1490, 05/08/2006