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| By Macha Chmakoff |
Un dernier cri avant de se taire définitivement
Didier Hecht est un survivant laic de Dachau qui écrit en 2000. Il n‘avait pas d‘éducation catholique, il voulait seulement demander à Dieu de s’en sortir. À sa première prière, qu’il fait sans trop savoir pourquoi, il relate: Se sentir calme. Le soir venu, je me demandais si c’était un appel au secours ou une prière. Aurais-je donc vraiment prié, comme personne ne me l’a enseigné? Sa conversion vient face à la difficulté de la journée sans l’aide de personne face à la mort, à la déshumanisation car, dit-il, „ je n‘en pouvais plus de devenir RIEN.“ La prière lui apporte une sorte d’apaisement, ce qui l’entraîne à renouveler l’expérience quand ça ne va pas. Dieu est un secours. En réalité, lui qui dit avoir une forte „ gratitude envers le Christ „ ne se considère pas comme croyant. Il a prié par désespoir, pas par foi et pourtant il évoque le Christ. Pour lui, sa prière est un dernier cri avant de se taire définitivement. „ Les gardiens n‘avaient ni ouvert les portes, ni rempli la gamelle sur une simple injonction de la divinité „ et même s‘il ressent une présence immatérielle invisible, il n‘ose pas rêver de salut. Il perçoit la prière comme „ un délicieux sentiment de chaleur alors qu‘il neigeait tant. Je ne demandais rien, pas de soupes plus épaisses, de jours plus souriants, mais quelque chose ou quelqu‘un m‘avait donné la patience „.
Alors pourquoi le christianisme ? Pourquoi est-ce le Christ qu‘il a invoqué ? Seule tradition qu‘il connaisse ? Sa prière est celle du simple qui appelle à l‘aide. Il fait cela pour ce qu‘il ressent. Sa foi est solitaire; ce qui l‘aide, c‘est de pouvoir crier son désespoir, c‘est sans doute aussi, dans le contexte du camp, le recueillement, le silence face au bruit ambiant.
Rétrospectivement, il n‘arrive pas à bien comprendre cette expérience spirituelle. Il pense que lui seul est touché par la grâce. „ D’autres méritaient incomparablement plus que moi ce genre de sauvetage.
C’est après-guerre, et non pendant les camps, qu’il reprendra les vertus théologales pour dire à sa femme:
„Il faut vivre de la grâce de Dieu. Amour, espérance et foi peuvent encore s‘effondrer après une si pénible montée. Le doute et le désespoir sont leur équilibre et leur appui, donnant le seul relief valable: la victoire d‘une ascension, là où tout homme a laissé son vieux moi, là où il est re-né. Laisse venir le silence des mains qui se joignent.“
C’est après-guerre qu’il parle de Résurrection, qu’il reprend des termes bibliques. Alors, à quoi Didier Hecht s’est-il converti ? Au christianisme ? Ou est-il agnostique ? Probablement un mélange des deux, dans une foi personnelle caractéristique des convertis.
Adrien Louandre, historien, animateur de réseaux de charité
In „Dieu n’est pas mort en enfer“ Les chrétiens dans les camps nazis - éd. Salvator

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