31 août 2020

À QUOI L’ASCÈSE SERT-ELLE ?



Image Chantal Fabre, internaute

Un chemin de découverte de soi, un chemin d’apaisement et d’unité.

À quoi l’ascèse sert-elle ? À nous libérer tout simplement. L’ascèse bien comprise pousse à nous déposséder de tout ce qui nous encombre, à tout accueillir d’un cœur égal, à prendre ses distances avec ses émotions, à ne plus se laisser impressionner par ses affects. Ce n’est pas de l’indifférence mais une forme d’acquiescement à tout ce qui vient. François de Sales, et avec lui beaucoup d’autres spirituels, parlent «  d’abandon », qui n'est pas de la démission mais une mise à disposition pour un « Autre ». Car l’ascèse sert à rencontrer Dieu. Cela passe par le corps, bien sûr, car celui-ci nous sollicite beaucoup : nous avons faim, soif, des envies de ceci ou de cela… Si nous obéissons de manière servile à toutes ces désirs, notre corps risque de nous mener par le bout du nez ! Se garder des désirs trop  envahissants (nourriture, alcool…) fait partie de ce processus de « désencombrement ». Mais l’ascèse n’est pas que corporelle. Il y a aussi une ascèse de la parole et des pensées, que la tradition a appelée la « garde du cœur » et que pratiquaient les Pères du désert. Elle consiste à faire attention sans cesse aux mouvements de son cœur et à tout ce qui se passe à  l’intérieur de nous-mêmes, à ce qui nous envahit et nous laisse malheureux. C’est une attitude qui ouvre, quand on se tourne vers Dieu, à la prière continuelle. Les bavards, les imaginatifs débridés, ceux qui sont en perpétuelle conversation avec eux-mêmes, les inquiets, peuvent trouver dans cette forme d’ascèse l’unité intérieure qui leur manque tant.
Cet exercice de désencombrement ne se fait pas tout seul. Comment ? Cela dépend de chacun. Tous nous sommes habités par de nombreux désirs qui parfois débordent, des agitations difficiles à calmer, et si l'on veut progresser, on peut se demander à quelle réforme dans sa vie on est appelé. Parfois, c’est la vie qui impose de grands renoncements. Une période de chômage, une maladie, un deuil peuvent être l’occasion d’expérimenter douloureusement ce qu’est l’ascèse.  Dans une vie plus ordinaire, l’attention à soi, la vigilance sur notre conduite, sur ce qui peut nous contaminer, voilà qui est à la base de toute ascèse bien comprise. Certains s’obligeront  à moins dépenser , d’autres à moins critiquer, d’autres encore regarderont moins leurs écrans.   Quoi qu il en soit, on le voit, ce n’est pas forcément un chemin facile . Mais  c’est un chemin de découverte de soi, un chemin d’apaisement et d’unité. Et c’est là, dans cette facilité accrue « à s’abandonner que l’on devient apte à tout revoir d‘ un cœur égal, le succès comme les avanies, le bonheur comme l’adversité, la santé comme la maladie, la vie courte comme la longue vie.
L’ascèse certes est une contrainte, mais pas une oppression. Bien comprise et bien conduite, parfois  sous le regard  vigilant d un accompagnateur spirituel, elle produit de nombreux fruits dans la vie spirituelle. Elle permet de faire sienne cet aveu de Paul : « oubliant ce qui est en arrière, tout tendu vers ce qui est en avant, je fonce vers le but » (Philippiens 3, 13).

Sophie de Villeneuve, rédactrice en chef
,Extrait de L'ascèse: une façon de vivre

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« Le désert n’est pas un lieu de solitude, mais un lieu de rencontre et de révélation, explique Philippe Haddad. Le terme hébreu utilisé pour désigner le désert est Midbar, qui signifie «lieu de la Parole» ». Ainsi, le prophète Osée emmène-t-il son épouse infidèle au désert pour « la séduire » et lui parler « cœur à cœur » (Osée 2, 16-17). Aller au désert, c’est se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu, qui se révèle non pas par « le tonnerre » ni « le feu » mais par « le murmure d’une brise légère » (1 Roi, 19,12). « Le silence rend perceptible la trace de la présence de Dieu, loin de tout ce qui nous perturbe », explique Philippe Haddad. Dieu parle dans des lieux isolés : c’est lorsqu’il s’est retiré dans la montagne de l’Horeb que Moïse reçoit les Dix Commandements (Exode 34). C’est aussi « sur une haute montagne » que Jésus se révèle à ses disciples, lors de la Transfiguration (Marc 9,2). Et c’est dans la « pièce la plus retirée » que Jésus invite ses disciples à prier (Matthieu 6,6). « Un célèbre enseignement du Talmud au sujet du chapitre 18, verset 21 du livre des Nombres est écrit ainsi : ”Si un homme se fait comme un désert que tous les pieds peuvent fouler, alors il lui sera fait don de la Torah ; alors, Dieu l’adoptera ; et alors il s’élèvera”. »

La mise en retrait dans la bible (extrait)
seraphim-marc-elie.fr


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