11 avril 2020

LE COMBAT SILENCIEUX DE LA BEAUTÉ



Tant de douleur et tant de grâces...

Qu’en est-il de nous aujourd’hui ? De Jésus dans nos vies, dans notre monde d’aujourd’hui en ces temps si particuliers d’épidémie grave et planétaire, quand nos vies se révèlent si fragiles, quand tant de nos équilibres sont rompus, quand nous sommes acculés à des remises en question radicales ? Chacun de nous a ses combats particuliers, ses terrains de lutte et de résistance, son propre mode d’engagement dans cette guerre commune.
Pour ma part, médecin à l’hôpital de Saint Dizier, je me suis tout naturellement retrouvée au front dans le service du « cohorting COVID 19 ».  Dès le début de mon engagement sur ce champ de bataille, je me suis attelée à l’écriture d’un texte que j’ai intitulé « Corona Virus : journal d’un petit soldat ». Pour recueillir au fil des jours, intégrer, garder trace, partager... Sur ce front, tant de douleur et tant de grâces...

Mystère de l’ensevelissement. Silence du tombeau scellé. Pour quel printemps, cet incommensurable hiver ?
En passant vendredi devant le petit magnolia de la maison de Betancourt sur mon chemin vers l’hôpital, je voyais ses dernières fleurs se défaire et ses pétales tomber. Je sais par expérience que c’est le moment où le somptueux magnolia de l’abbaye en ruines de Troisfontaines prend le relais et entre dans sa beauté. Mais je suppose qu’en ces temps de confinement l’abbaye est fermée au public. Il va donc être beau tout seul, sans personne pour l’admirer, se réjouir avec lui, se nourrir de lui, le remercier de sa généreuse splendeur ?
La veille, au retour de l’hôpital très tard, j’avais fait un détour par la chapelle en espérant que l’adoration eucharistique du jeudi soir s’y tenait toujours. Mais, comme je m’y attendais un peu, la porte était close. Cela fait presqu’une semaine déjà que les églises de Saint-Dizier ne sont plus ouvertes : je me doutais bien que la chapelle aussi serait fermée. Le Christ est donc seul Lui aussi, dans les tabernacles désormais soustraits à tous regards...
Un magnolia solitaire en magnificence de printemps, le Christ resplendissant seul dans des églises fermées... C’est le même combat silencieux de la Beauté. Qu’il nous faut apprendre à rejoindre de l’intérieur.
Ne pas oublier cette Beauté : la contempler sans la voir, avec les yeux du cœur.
Rester reliés à Elle. Nous appuyer sur Elle. Nous en nourrir. Et rendre grâce.

Sophie M. médecin d’hôpital
Extrait du journal « Corona Virus: journal d’un petit soldat »
(reçu en PDF)

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« Interroge la beauté de la terre, interroge la beauté de la mer, interroge la beauté de l’air qui se dilate et se diffuse, interroge la beauté du ciel [...] interroge toutes ces réalités. Toutes te répondent : Vois, nous sommes belles. Leur beauté est une professionCes beautés sujettes au changement, qui les a faites sinon le Beau, non sujet au changement ? »
Saint Augustin (Serm. 241, 2 ). 

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