3 juin 2019

JÉSUS EST „ENLEVÉ“ PAR SON PÈRE !







Pour qu’ils apprennent tout seuls à parler en son nom, Jésus se fait silence.

Aucun pont ne passe mieux que celui de l’Ascension. La fête qui en est l’origine n’est pourtant pas si lisse. On y célèbre un Jésus qui est « enlevé » par son Père. Ce fait, incroyable, est devenu un fait divers. Les familles se déchirent et il n’est pas rare, il est même très fréquent, qu’un père à qui la garde a été refusée se rende coupable de l’enlèvement de son propre enfant. Pour ce qui regarde l’Ascension, il n’y a certes pas de divorce entre Dieu, son Père, et l’humanité qui enfanta Jésus en vue de son séjour sur Terre. Mais un conflit semble possible : celle-ci pourrait refuser à Celui-là de reprendre son Fils. Or Jésus doit continuer de grandir, bien au-delà de ce que l’humanité dont il prit chair avait conçu de Lui. Il n’est pas la propriété exclusive de ce petit peuple du premier siècle qui commençait à balbutier le nom du Dieu-amour. Il est vrai que ces femmes et ces hommes ont connu Jésus. Certains ont tout laissé pour le suivre. Ils voudraient légitimement le garder pour eux, près d’eux, comme saint Pierre interdisait à Jésus d’aller à sa Passion (Marc 8, 32-33). Mais, pour qu’ils puissent devenir ce que Lui-même a été, Jésus se laisse comme exfiltrer. Pour qu’ils apprennent tout seuls à parler en son nom, Jésus se fait silence. Il s’en va, dit le Credo, siéger à la droite du Père.
Alors commence la patience de Dieu. Une patience plus discrète, et non moins offerte, que celle de la Passion. Le « Je t’aime » de la Croix est le dernier mot de Dieu. Le silence qui s’ensuit est l’espace laissé à l’homme pour répondre. Dieu attend, sans forcer cette réponse. Il la laisse au contraire croître en l’homme. Il ignore quelles formes elle prendra, selon les peuples, selon les caractères, selon l’urgence propre des temps. À chaque temps sa sainteté.
Car qu’est-ce qu’un saint ? C’est l’écho de la déclaration de Dieu dans le cœur d’un homme. Une manière de peupler son départ.

Le billet de Martin Steffens, philosophe, essayiste 
„De l’autre côté du pont“ (extrait) 
la-croix.com 1er juin 2019

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