15 avril 2018

L’EUCHARISTIE



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Le Christ nous invite à un dépouillement, en dissociant d’abord sa réalité terrestre de toute forme humaine, de l’individualité trop restrictive, pour une sorte de visibilité translucide, puis en disparaissant une seconde fois dans notre propre corps, en descendant au fond de nous pour nous y entraîner à sa suite.
Il me semble entendre le Ressuscité nous renvoyer à ce qu’il exigeait de ses disciples, comme de Marie-Madeleine noyée dans les larmes d’un jardin désert : « Ne me cherchez plus au bout de vos doigts, renoncez à mes contours. Je vous attends dorénavant un peu plus loin, chaque fois plus loin à mesure que vous progresserez vers moi. C’est un nouveau pas dans ma connaissance que je voudrais vous voir franchir par cette présence nouvelle, omniprésente et intérieure à vous-mêmes. »
L’eucharistie inverse radicalement notre relation à Dieu : désormais nous en avons la charge, nous le recevons. Il n’est plus extérieur à nous-mêmes, comme un sujet bien distinct, dans un échange ordonné : nous l’incarnons, nous lui donnons corps, visage et parole. L’idole n’est réellement détruite qu’à ce stade-là.
Chaque fois que je communie,c’est aussi pour que tous les hommes que je rencontrerai puissent communier à la présence qui m’aura transformé au contact de ce mystère qui les attend encore au fond d’eux-mêmes. Il est essentiel de souligner cette assimilation spirituelle de tout notre être au Christ universel. 
Le Ressuscité : « Je vous attends dorénavant un peu plus loin, chaque fois plus loin à mesure que vous progresserez vers moi... »
Une retraitante insomniaque, désemparée en trouvant dans l’oratoire la veilleuse du Saint-Sacrement éteinte, n’a pas pu, n’a pas su prier, sans comprendre de l’intérieur qu’elle-même se devait d’être, par sa prière, par sa présence, cette petite flamme dans le silence de la nuit.
Il manque à beaucoup de personnes, pourtant animées d’une réelle soif de spiritualité, ce bon sens du coeur, dans la liberté joyeuse de l’Esprit. À la présence réelle, il n’est sans doute pas de meilleure réponse que la réalité de notre propre présence.

PHILIPPE MAC LEOD, écrivain, essayiste
Réelle présence (extrait)
La Vie no 3788, avril 2018


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