28 mars 2018

LA CROIX MISE ENTRE PARENTHÈSES




Mais savons-nous ce qui nous déconcerte à ce point quand nous regardons le Christ crucifié ? C'est d'abord le spectacle de ce que nous appelons le péché. Le péché de l'homme, négation de l'amour, est toujours une variante du meurtre. Toute conduite qui va dans le sens de la diminution ou de l'ignorance d'un autre homme, tout refus du pardon sont élimination du Christ et de ce qu'il apporte. Nier et renier le Christ passe par notre refus d'autrui. Cela peut prendre des formes en apparence anodines. Par exemple quand nous nous esquivons pour ne pas être ennuyés par les problèmes de l'autre, quand nous nous fermons à ses façons de voir ou de vivre. Dérision, mépris, négligence… Innombrables sont les manières de chasser le Christ de nos vies ! Tout cela, et d'autres comportements bien pires, demeurent cachés, plus ou moins volontairement oubliés. Nous sommes des virtuoses dans l'art de mettre le Christ et sa parole entre parenthèses. Voici maintenant que toutes nos dérobades (pensez aux disciples au cours de la Passion) et toutes nos malveillances apparaissent en plein jour, érigées sur le calvaire. «Il a été transpercé par nos infidélités, broyé par nos fautes…» (Isaïe 53,5).

Donc, c'est bien nous qui l'avons éliminé, pas Dieu. C'est là que nous rencontrons une autre cause de notre malaise devant la Croix. On nous répète que Dieu est Amour et, en même temps, que c'est lui qui a voulu la crucifixion. Les hommes ont offensé Dieu. Ce Dieu, vu comme un suzerain omnipotent, exige que l'offense soit réparée. Or l'homme, s'il est assez grand pour produire des méfaits qui blessent Dieu, est trop petit pour les réparer. Le Fils va s'en charger. Dieu est ainsi présenté comme responsable de la crucifixion. Certes, on pourrait produire certains textes scripturaires qui ont l'air d'aller dans ce sens, y compris le «que ta volonté soit faite et non la mienne». Heureusement, d'autres textes innocentent Dieu, en particulier Actes 4,10 : «Ce Jésus que vous avez crucifié, Dieu l'a ressuscité». Conclusion : c'est nous qui dressons les croix, tous les jours, au Proche-Orient, en Afrique, partout dans le monde. Ces croix, le Christ les assume toutes. L'amour unit pour le meilleur et pour le pire. Dieu a voulu venir avec nous jusque dans le pire ; mais c'est pour nous conduire de là jusqu'au meilleur. Partout où l'homme peut aller, Dieu vient le rejoindre ; il descend jusque dans nos enfers, pour nous en arracher. Le voici au rang des malfaiteurs et de leurs victimes. Jamais, nulle part, nous ne sommes seuls. Telle est la volonté de Dieu, du Père.

P. Marcel Domergue, jésuite « La croix, un scandale » (extrait de commentaire)
croire.com 25/03/2018

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On ne fait plus le signe de croix machinalement quand on découvre que par ce simple geste, on se jette dans des bras ouverts sans réserve. Ni quand on comprend que ce signe engage à être soi-même cette paire de bras démesurée. Pour étreindre ses enfants aujourd’hui, Dieu n’a pas d’autres mains que les tiennes.“

Frère Sylvain Detoc, dominicain


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