Qu'est-ce qu'une vie spirituelle réussie? S'agit-il de perfectionner des compétences? "Le carême ne parle pas de salut par l'augmentation, mais par le dépouillement. Il engage à se délester de son pouvoir personnel pour se souvenir que l'on est poussière, revenir à l'argile primitive si l'on veut que des mains et un souffle plus grand que les nôtres viennent nous remodeler " (Fabrice Hadjadj, philosophe).
Pour se mettre en route, il s'agit de renoncer à notre timing personnel, de cesser d'attendre la prochaine retraite, le prochain "pélé", le prochain " temps fort", comme on dit à si mauvais escient comme si tout le reste du temps qui nous est donné était "faible". De lâcher le chrono pour entrer dans le kairos, ce terme grec qui signifie le moment favorable, celui que Dieu ouvre dans notre histoire. En général, le kairos advient dans le désert de l'abandon, quand notre sentiment d'insuffisance nous rend disponible à Sa présence et nous ouvre à ce qui nous dépasse. Celui-là qui nous rend perméable au travail de la grâce, à l'Esprit Saint qui passe dans une parole apparemment anodine, un verset biblique entendu mille fois, un visage qu'on croit connaître par coeur.
Dans une société technocratique qui promet "l'Esprit Saint en un seul clic" et "Dieu comme super-programme de cardio-training", nous sommes invités à recaler notre présence au monde sur la durée plutôt que sur l'obsolescence programmée de nos bonnes résolutions. Pour décrire la vie spirituelle, on cite souvent Samuel Beckett: "Essayer. Rater. Essayer encore. Rater mieux."
Chlotilde Hamon, journaliste
Extrait de l'éditorial
famillechretienne.fr n°2093

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