8 juillet 2017

L'ÉCLAIR OU LE CIEL BLEU


Image croirlib' juillet 2017

Quand nous parlons de joie, notre idée s'accompagne de deux types d'images contraire, qui engagent deux rapports au temps. Le premier, c'est celui de la vie intense: nous voici soudain surpris, foudroyés, béants. Le second, celui de la vie sereine: nous sommes à l'abri, au calme, dans un bain de douceur.  (...) Là, c'est l'instant; ici, la durée. 
Ce partage de nos visions bienheureuses entre l'éclair et le ciel bleu, l'événement et l'harmonie, le sublime et le charme, divise notre approche de la beauté. (...) Il est certain que notre époque est plutôt du côté de la fulgurance. Elle confond rapidement le rapide et le vif, peut-être à cause de l'accélération technologique, du très haut débit de la connexion quasi instantanée qui fait apparaître tout un chatoiement virtuel sur l'écran qui était gris la seconde d'avant. Ivresse du Train à Grande Vitesse, mais qui entrave la contemplation du paysage... Et c'est pourquoi nous avons tant de mal à saisir la pensée des Anciens qui chantaient la paix. A nos yeux en mal d'éblouissement, la paix semble un sommeil; son accord, une inertie; sa longueur, un affadissement. Lorsque saint Augustin la définit comme la "tranquillité de l'ordre", nous songeons presque à la mort, pas au bonheur. 
Pourtant, (...) la vocation de l'amour et son épreuve sont précisément de pouvoir passer de l'extase à l'intérieur, du coup de foudre au pot-au-feu. Et ce passage n'est pas un embourgoisement. C'est l'entrée dans la profonde poésie du quotidien.

Fabrice Hadjadj, philosophe
Extrait de "L'éclair ou le ciel bleu?" 
panorama juin 2017

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