(...) Si les pèlerins font une expérience intérieure, c'est d'abord par leur corps. Quand les pieds ne marchent plus, on marche dans sa tête. (...) La marche en pleine nature permet de faire une expérience positive d'un silence plein, paisible, débarrassé des pensées négatives. (...)
La marche est, à l'évidence, devenue source d'expérience spirituelle. De très nombreuses personnes sont empêchées de marcher par manque de moyens physiques, ou en raison d'autres circonstances. Mais elles peuvent elles aussi oser se mettre en route à l'appel d'une voix intérieure, se désencombrer d'attachements matériels pour se centrer sur l'essentiel, persévérer vers un but choisi, faire place au silence qui dispose à l'autre et à Dieu, se laisser réconcilier.
Il y a dans la marche un don de guérison. Quitter son chez-soi et aller en chemin, c'est cesser de ruminer ses soucis et se livrer aux rencontres, aux incertitudes du chemin. Ne plus penser à ses problèmes ouvre l'esprit. Des solutions inattendues apparaissent et l'on change sa relation avec les autres ou avec le monde. Un marcheur est une personne qui se met en mouvement et retrouve une relation sensorielle, sensuelle avec ce qui l'entoure
Même après quelques heures, la marche nous renvoie à notre humilité, à notre corps, à notre inachèvement. En même temps, on se sent à nouveau « créature » dans un monde qui nous dépasse. Nous sommes confrontés aux arbres, aux animaux, à la terre, à la pluie, au jour qui se lève, au soir qui tombe. On ne peut pas ne pas s'interroger sur le sens de notre présence au monde. Pour un pèlerin croyant, c'est un sentiment très puissant que de se trouver au sein de la Création, porté par des forces qui le dépassent, dans lesquelles il est heureux d'être immergé.
Nos sociétés manquent de spiritualité. Notre monde rationaliste, utilitariste, matérialiste valorise la vitesse, la communication – qui est à l'opposé de la conversation. Pourtant, le goût de vivre relève de la lenteur, de l'échange, du plaisir d'être ensemble. On pourrait multiplier les exemples du manque de transcendance dans nos vies personnelles.
David Le Breton Anthropologue et sociologue, professeur à l'université de Strasbourg (Bas-Rhin).
Extraits de "Trouver Dieu en marchant" - témoignages
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