25 août 2016

LE CATHOLICISME DE TRADITION



Notre-Dame de la Cour - Côte d'Armor

J’insiste sur le côté populaire du catholicisme, ce côté païen, au sens de « paganus », le paysan ancré dans un territoire, humain au sens où il y a de l’humus dans l’humain. C’est en ce sens que mon livre est peut être une critique du protestantisme qui a marqué cette évolution du christianisme vers le commentaire jusqu’à la ratiocination.*
(...) Je pense effectivement que ce qu’on appelle crise est une évolution sociétale : les valeurs du rationalisme, de l’utilitarisme ou du fonctionnalisme, l’idéologie du progrès matériel comme seul horizon commun laissent place à autre chose : un idéal communautaire, un retour de l’émotionnel et effectivement ce que j’appelle , après Jacques Maritain le « sacral », c’est à dire une religiosité ambiante, une quête spirituelle. Le matérialisme effréné, ayant été la marque de la modernité, a fait son temps. Les jeunes générations, en particulier, sont attentives au « prix des choses sans prix ». Autre manière de dire le goût du mystère et de la mystique. Et nous ne sommes qu’au début d’un telle mutation.
(...) Il y a dans le catholicisme de tradition une réelle source d’inspiration : l’incarnation. C’est cela qui, stricto sensu, s’exprime dans les rituels dont le renouveau est on ne peut plus important. Les rituels disent, tout simplement, la force invisible qui meut le corps ecclésial. Peut-être est-ce cela l’humanisme intégral  alliant le corps et l’esprit.
Il y a un vif renouveau des communautés monastiques et contemplatives, qui plongent dans le Grand Silence. Les historiens rappellent le rôle joué par les ordres monastiques dans la structuration de l’Europe. Paradoxalement c’est la contemplation qui est source de vie et permet une croissance authentique. (...) Il n’est pas étonnant que dans l’époque qui s’amorce le retour, le recours au silence soient ressentis comme une urgente nécessité. Chaque atome de silence est la chance d’un fruit mûr ! 
N’est-ce point cela que l’on retrouve dans l’enseignement de saint Benoit : « Mens nostra concordet voci nostrae » ? C’est la concordance de l’âme et de la voix qui donne les véritables assises à l’ordre des choses.

Michel Maffesoli, sociologue, professeur émérité à la Sorbonne et administrateur du CNRS, 
Extraits de l'interview " Le recours au silence, une urgente nécessité"
aleteia 18/03/2016


* ratiocination: raisonnement subtil et pédantesque

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