Dieu, père plein de tendresse ». Pourtant, accoler le mot de tendresse à celui de Dieu ne va pas de soi. Un Dieu tendre est-il encore un Dieu ? Le qualifier ainsi, n’est-ce pas le réduire à nos petits besoins, parmi lesquels celui d’être un peu chouchoutés, cajolés, dans un monde parfois dur et froid comme le marbre ? Ne faut-il pas au contraire aujourd’hui parler d’un Dieu fort, capable d’affronter le mal qui défigure l’homme et menace la création ? Qu’est-ce donc que cette « tendresse » de Dieu ? Un petit tour par la Bible pourrait s’avérer ici utile. (...)
Si l’on avait à éclairer ce mot par un terme biblique, il faudrait sans doute choisir « entrailles », On traduit souvent par « être saisi de compassion » ce qui littéralement signifie « être pris aux entrailles » (le verbe grec est splankhnizomai).
Voilà qui donne une tonalité spécifique à la tendresse de Dieu : loin d’être un sentiment de surface, elle a son siège dans les entrailles, c’est-à-dire au plus profond, là où le corps est le plus épais. (...) En langage biblique, c’est là que s’enracine la descendance, lien ancré en cette partie centrale de l’être particulièrement disposée aux va-et-vient de la vie.
Tout cela peut sembler relever d’un vulgaire anthropomorphisme. Mais c’est ainsi que parle la Bible, dans sa simplicité. Et je trouve cela tout à fait heureux : notre Dieu a choisi, pour se dire, des images pas très compliquées, à la portée de tous, puisqu’elles touchent à l’élémentaire de l’humanité. Et si l’on y résiste, si ça peut même parfois nous indigner, eh bien, c’est peut-être le signe que justement, ce Dieu-là n’est pas tel que nos rêves l’auraient imaginé. Voilà où s’enracine sa grandeur : il tient à nous au-delà de ce que nous pouvons imaginer. (...)
C’est pourquoi la tendresse de Dieu est pardonnante : tout simplement parce que lui s’est engagé vis-à-vis de nous et qu’il ne reviendra pas en arrière, quels que soient nos errances, nos refus, notre ingratitude. Le lien qui nous unit à lui, jamais il ne le remettra en question, ses bras sont toujours ouverts pour nous accueillir, comme ceux du père du prodigue dans la parabole.
Et si nous pouvons l’oublier si rapidement, c’est exactement pour la même raison. (...) Rien de plus facile que d’oublier un tel propriétaire qui loge gratis, et de considérer que nous sommes chez nous, et que lui… « Lui ? Qu’est-ce qu’il a à voir là-dedans ? » (...)
Voilà qui permet d’éclairer un autre aspect de la tendresse de Dieu : elle engage sur des chemins risqués. Car dès lors que la vie n’est plus gardée pour soi mais que l’on se reconnaît lié à un autre au plus profond, cela expose quand même un peu. C’est ainsi que notre Dieu est fort. À la violence, il n’oppose pas une autre violence. (...) Voilà de quoi est capable sa tendresse. Elle est discrète et invincible, exactement comme lorsque ces mères de grands criminels disent : « Oui, je sais, il a fait ça ; mais c’est mon fils, que voulez-vous, je l’aime… ». Comment faire pour que cette tendresse irrigue davantage notre vie ? La difficulté vient souvent que l’on manque la première marche, celle qui consiste à reconnaître comment Lui déjà nous aime, tels que nous sommes. À penser que sa tendresse supposerait de notre part des conditions, des preuves de bonne volonté ou je ne sais quoi, nous risquons fort de nous épuiser en gesticulations coûteuses et vaines, reculant ainsi toujours ce qui est décisif : se laisser aimer par lui, simplement parce que c’est nous et parce que c’est Lui.
P. c'est Etienne Grieu, jésuite
croire.com 09/06/2015
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