9 septembre 2014

LE VISAGE DE JÉSUS



Détail de la "Pietà" de Michel-Ange, photo Robert Hupka


Que voit-on d’autre de cette oeuvre, lorsqu’on se tient debout devant l’autel ? Le corps presque nu de Jésus dont on sent l’abandon à la mort et son poids dans son bras droit qui pend. On voit ses longues cuisses, le dessin des mollets, les veines encore gonflées par la souffrance, et les pieds qui ne touchent presque plus terre. Ce qu’on voit encore, c’est l’épaule du Christ, rehaussée par le bras de Marie. Puis il y a la gorge de Jésus et, qu’on devine plus qu’on ne la voit, renversée en arrière et sans vie, la tête du Christ. Du visage, des traits de Jésus, on ne voit rien. A peine entrevoit-on l’angle de la mâchoire et le menton.
Et puis, en 1965, Robert Hupka * fut autorisé, pendant qu’on l’exposait à New York, à photographier la Pietà depuis tous les angles possibles. Ainsi, il a pu saisir dans son objectif ce qu’on ne peut pas voir d’elle, et ce que Michel Ange savait qu’aucun des admirateurs de son oeuvre ne verrait jamais, sauf à voleter comme un ange autour de sa statue : le visage de Jésus.
Le visage de Jésus, offert au Ciel, sculpté pour la seule vue de Dieu par un artiste de vingt-trois ans, dans un don total à son sujet, tel que le commandait Jean Van Ruysbroeck : « Maintenant, comprenez ; la progression est telle : en notre allée vers Dieu, nous devons porter notre être et toutes nos œuvres devant nous, comme une éternelle offrande à Dieu ».
Ce visage est le mystère même de la divine beauté, – cette incompréhensible splendeur qui nous enveloppe et nous pénètre, de la même manière que l’air est pénétré par la clarté du soleil. Les yeux mi-clos de Jésus, ses lèvres entrouvertes par son dernier souffle, la douceur que le consentement à sa propre mort a posée sur ses traits, toute cette perfection, ce prodige d’un marbre incarné, toute cette foi clamée dans le sublime de ce visage, pour que nul, sauf Dieu, ne le voie. Jamais je n’ai ressenti plus fortement dans une oeuvre d’art ce qu’elle doit être : un acte de foi plus fort, plus impérieux et plus bouleversant que tout autre langage, que toute autre vision. La vision même de cette heure d’une paix entière, celle de l’achèvement et de l’oeuvre et du Christ, mort sur la Croix, pour que tout soit accompli.

* Photographe de la Pietà de Michel-Ange lors de la foire de New York 1964-65.

Christiane Rancé, journaliste
Blog du 04/08/14: "Pietà" (extraits)
en lien sur croire.com 


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