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La couronne de lauriers de César |
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La couronne d'épines du Christ |
Le 26 novembre 2003, lors d’une interview publiée dans le quotidien "Il Giornale", celui qui était alors le cardinal Ratzinger s’est exprimé en ces termes sur l’apport fondamental du christianisme à notre civilisation :
« Jusqu’au Christ, l’identification entre le religieux et l’État, entre divinité et État, était presque nécessaire pour apporter de la stabilité à l’État. Par la suite, l’islam reviendra à cette identification entre le monde politique et religieux, avec l’idée que seul le pouvoir politique peut également moraliser l’humanité. En réalité, depuis Jésus Christ, nous trouvons tout de suite la position contraire : Dieu n’est pas de ce monde, il n’a guère de légions, c’est ce que dit le Christ ; (Staline dit que le Christ n’a pas de divisions armées - cf. sa célèbre boutade : "Le Pape, combien de divisions ?"). Il n’a point de pouvoir mondain, il attire l’humanité à lui non pas par un pouvoir externe, politique ou militaire, mais seulement par le pouvoir de la vérité qui convainc, de l’amour qui attire […] Le monde de Dieu est absolu. Alors que l’État, lui, ne l’est pas […] La distinction entre l’État et la réalité divine créé l’espace d’une liberté dans laquelle une personne peut s’opposer à l’État […] C’est ainsi qu’est née une histoire de liberté ».
Invité à commenter cette assertion, Rémi Brague confirme que cette nouveauté chrétienne apparaît clairement lorsque l’on compare les pays marqués par le christianisme avec d’autres régimes, celui de la Cité grecque par exemple, de la Cité romaine, puis de l’Empire romain. « Dans ces régimes politiques antiques, explique-t-il, il n’existe d’une certaine manière pas de religion qui serait séparée du reste des choses. La religion fait partie d’un tout qui comporte aussi des dimensions morales, politiques, économiques, etc. Ce qui est nouveau dans le christianisme, c’est d’avoir justement délimité le domaine du moral, de l’économique et du politique, par rapport au religieux ».
Une nouveauté qui, comme le rappelle le philosophe, va fondamentalement à l’encontre de la nature humaine, dont la tendance intrinsèque est à la sacralisation de la puissance. Qu’il s’agisse de puissance naturelle (comme des dieux que l’on représentait avec des sexes énormes car ils étaient responsables de la fécondité animale, par exemple), ou de puissance politique (Jules César en est l’exemple type), l’être humain tend naturellement à sacraliser tout ce qui est source de puissance.
Le christianisme incarne la rupture avec ce système sacralisateur, en ce sens que le symbole, la réalité religieuse la plus haute, se trouve être le Christ en croix. « Il n’est en aucun cas un ‘seigneur’ dans le sens de quelqu’un qui a une puissance, et on comprend dès lors pourquoi les premiers chrétiens ont pu susciter une sorte d’étonnement scandalisé lorsqu’ils disaient ’Kyrios Ièsous’, Jésus est notre Seigneur », ajoute Brague.
La formule alors communément acceptée était en effet ‘Kyrios Caesar ’ - César est notre Seigneur- car en toute logique, le ‘patron’ ne pouvait être que l’empereur.
« De fait, dire que le ‘patron’ est un crucifié implique mille conséquences... », conclut-il.
Professeur Remi Brague, lauréat du prix de la Fondation Ratzinger.
aleteia.org
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