30 juillet 2014

FACE AU MAL






Rien de plus reposant qu’un bon western : les bons et les méchants y sont bien distincts ; leur affrontement ne laissera pas de place au doute ou à la nuance. Cela repose, parce que notre vie n’est jamais si simple. Bien et mal y sont irrémédiablement mêlés. Partout, et dans l’Église même, la générosité voisine avec la mesquinerie, la perversité cohabite avec la sainteté. Nous regrettons souvent ce monde tout en nuances de gris plutôt qu’en noir et blanc : si Dieu existe, pourquoi ne supprime-t-il pas le mal dans le monde ? 
Par chance, Dieu n’est pas hanté comme nous par ce rêve d’un monde chimiquement pur, où le bien pourrait régner sans mélange. Car il sait trop bien, lui, qu’aucune frontière ne peut distinguer les bons et les mauvais, parce que le bon grain et l’ivraie, le bien et le mal, grandissent ensemble jusque dans notre propre cœur. De quel côté serais-je, moi, s’il s’avisait de faire le tri ? Si Dieu exauçait ma prière et exterminait le mal dans le monde, j’aurais peut-être du souci à me faire.
Mais le projet de Dieu, ce n’est pas le tri et la sélection : c’est que les hommes aient la vie, et la vie en abondance (*). En bon jardinier, il sait qu’abondance et désordre sont inséparables : l’herbicide qui, pour détruire les mauvaises herbes, rend stérile le potager est un remède pire que le mal. La crainte scrupuleuse d’agir mal peut nous conduire à ne rien faire du tout. 
La Bible nous invite au contraire, presque à toutes les pages, à ne pas avoir peur. À faire confiance à ce jardinier si expert qu’il peut transformer patiemment mon ivraie en un splendide épi de blé.

* Évangile selon saint Jean, chap 10, verset 10

Fr. Adrien Candiard
Couvent du Caire
Signe dans la Bible

*****

Par le prophète Osée [Livre d'Osée, chapitre 14 ; verset 6], Dieu répète sa promesse : le désert qu’est devenu le peuple d’Israël se changera en un jardin florissant. Mais il ajoute un détail : il nous dit maintenant comment le miracle pourra s’accomplir. Par un phénomène simple, discret, mais essentiel : la rosée. Les gouttelettes d’eau qui se déposent sur le sol au crépuscule, et ne résistent guère aux premiers rayons du soleil, peuvent nous sembler fragiles ; mais en certains lieux, elles suffisent à apporter la vie alors que la pluie manque.
Cette rosée vivifiante que Dieu ne cesse d’offrir au monde, invisible mais puissante, c’est son pardon.
Il le donne au peuple d’Israël du temps d’Osée, qui s’était détourné de lui, comme autrefois à Adam qui se cachait à son approche (*), comme au monde qui ne cesse de vouloir se passer de Dieu. Il l’offre à nouveau à chaque crépuscule, parce qu’il n’a rien d’autre à donner que ce pardon, cette bienveillance inlassable, qui est la seule arme efficace pour lutter contre le mal qui assèche les cœurs et ensable le monde. Dieu refuse la logique de la violence, et rend toujours le bien pour le mal ; par son pardon, il s’efforce de désarmer le mal.
Car son pardon est contagieux. Pardonnés, traversés par ce regard bienveillant de Dieu à notre égard, sans conditions, nous n’avons à notre tour rien de mieux à offrir à notre prochain qu’une bienveillante amitié pour tous, qu’un pardon qui désarme le mal et qui, de proche en proche, répandra sur toute la terre une rosée allègrement vivifiante.

 * Livre de la Genèse, chapitre 3, verset 8

Fr. Adrien Candiard, dominicain
couvent du Caire

Signe dans la Bible

Aucun commentaire: