29 juillet 2014

LA FORCE DANS LA FRAGILITÉ






(...) Un concept qui effrayait les Grecs : la démesure. Sur un plan individuel, elle se traduit par la cupidité ou l'incapacité à maîtriser ses passions ; sur un plan collectif, par l'attitude guerrière et le désir de conquête.
De nos jours, cette démesure s'applique dans quantité de domaines. nos sociétés cultivent une addiction à la croissance, même si elles savent pertinemment que l'on ne peut concevoir une croissance infinie dans un monde fini. Je pense aussi à ce que l'on appelle le scientisme, cette approche qui voudrait nous faire croire que la science est le seul mode d'accès au réel et que la technique pourra résoudre tous les problèmes.
(...) Être humain n'est pas naturel. Et nous sommes tous tentés par la démesure. Mais l'humanité se reconstruit à chaque génération. Personnellement, je suis fondamentalement habité par l'espérance. Oui, cent fois oui, ce sera difficile, mais je crois aux forces de l'Esprit.
Dans toute ma vie de journaliste, j'ai trouvé des personnes plongées dans des catastrophes qui trouvaient suffisamment d'énergie pour être dans l'espérance et se battre. Je pense notamment à l'Ethiopie, où j'ai effectué de nombreux reportages : après des années de guerre civile, ce pays africain a su retrouver les chemins de la reconstruction de façon admirable. Si l'on regarde les mouvements de résistance qui s'organisent à travers le monde, tous ont aussi en commun de s'élever contre la démesure et d'incarner cette volonté de réagir.
Réagir, tout en reconnaissant sa fragilité. L'espérance se partage, elle ne se prêche pas. Pour cela, il faut parler vrai et accepter d'avouer que l'on a eu des blessures, vécu des tragédies. (...) La vraie force se trouve au cœur de la fragilité. (...) C'est seulement lorsque l'on accepte de partager sa fragilité que l'on peut partager son espérance. 

Jean-Claude Guillebaud, journaliste
"Vie", 6 février 2014
seraphim-marc-elie.fr

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