Certains seront sans doute frappés par des ressemblances qui se manifestent entre la pauvreté bouddhique et celle des ordres mendiants chrétiens, notamment des franciscains. Les auteurs bouddhiques eux-mêmes, quand ils connaissent quelque peu les institutions chrétiennes, ont assez souvent souligné cette similitude. Elle est, de fait, réelle en plusieurs points, notamment dans la décision libre de tout quitter, dans la réduction systématique des nécessités et des facilités de la vie, dans le recours à la quête dans une certaine « joie » d'être pauvre et donc libre.
Ces ressemblances au niveau des comportements et des sentiments humains ne peuvent faire oublier une différence essentielle des motivations. Certes, de part et d'autre, il y a bien volonté et réalisation d'un renoncement pour un contentement. Mais c'est une fois ce vide obtenu que diffèrent en profondeur Bouddhisme et Christianisme. Pour le Bouddhisme, ce vide est final et, en tant qu'il représente la suppression du désir par la suppression des objets, il est en soi béatifiant, mais d'un bonheur qui paraît négatif.
Dans le Christianisme, au contraire, le vide n'est réalisé que dans et pour une plénitude ; la conviction d'une divine présence et protection qui « emplit de bien les affamés ». L'exclamation, universellement chrétienne, mais spécialement attribuée à saint François, nous donne ici la note différentielle : Mon Dieu est mon Tout. Dieu est le Tout du chrétien ; plus il en est persuadé, moins il ressent le désir de recourir aux objets extérieurs et satisfactions extérieures.
Le chrétien ne tue pas le désir radicalement comme le bouddhiste ; il ne nie pas que ce désir ait un objet mais cet objet, but de son amour comme de son aspiration, est Dieu même. Dans cette perspective, au lieu de déprécier la réalité créée, il la valorise car, s'il faut s'en déposséder comme le Christ jusqu'à la mort en croix, on est sûr de revivre en toute la richesse de la Résurrection.
J. Masson, Le Bouddhisme, Desclée de Brouwer
cité par seraphim-marc-elie.fr
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