17 avril 2014

UN REPAS TOTALEMENT EFFICACE



Fresque de l'église abbatiale de La-Pierre-qui-Vire, Yonne

Parce qu'il participe à l'amour créateur du Père, Jésus est le seul pour qui prendre et donner ne font qu'un.
Nous aussi, nous savons prendre ou parfois être pris. Nos existences sont sans cesse à la merci de prises de pouvoir, de prises d'otages, que l'on soit du côté de ceux qui subissent ou de ceux qui tyrannisent, ou les deux à la fois.  La vie de Jésus, nul ne la prend mais c'est lui qui la donne. Cependant, il ne se contente pas de nous le montrer ou de nous dire comment "donner sa vie". Peut-être cela serait-il plus simple pour les hommes: un dieu qui dirait comment faire pour vivre mieux, qui inspirerait une philosophie de la vie et des autres...
Jésus ne fait pas que montrer le pain, il le casse, il le brise, et le bruit de la fraction du pain est si assourdissant qu'on l'entend à peine. Comme on entend mal les silences de mort qui entourent l'injustice, la violence, le mépris.
Le geste de Jésus à la fraction du pain se confond avec sa mort et sa résurrection.  C'est pourquoi le geste du pain rompu est totalement efficace pour chacun de nous. Dans l'eucharistie nous est donné le meilleur: en perdant notre vie pour accueillir le Christ, nous nous trouvons nous-mêmes comme un don de Dieu..
Ce repas du Jeudi Saint est le premier repas d'un genre nouveau car il n'est pas entre nous mais il est fait pour la multitude et le salut.

Missel des Dimanches 2010, éd. du Cerf

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Parfois j’entends dire « Pour moi la vie chrétienne c’est surtout de ne faire de mal à personne ! ». Mais franchement, c’est le minimum de la vie chrétienne ! « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse à toi-même » (*) : Il s’agit juste de ne pas faire de vague, pour rester, tout tourné vers soi, bien tranquille dans son coin ! Même le plus petit dans le Royaume ne s’en contenterait pas ! Car ça ne suffit pas pour édifier le Royaume. Jésus, tu le sais, te demande beaucoup plus : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le, de même, pour eux; (**). C’est ça la règle d’or. La suite du Christ, ce n’est pas de ne « pas faire le mal », c’est de faire le bien, de servir. Nuance ! D’ailleurs, je ne sais pas si tu es frappé comme moi par le « je confesse à Dieu », qu’on dit parfois à la messe. On y trouve une progression dans la gravité : j’ai péché par pensée, par parole, par action, et par omission. Le plus grave, ce n’est pas d’avoir fait mal, c’est de ne pas avoir fait bien, d’avoir omis de faire le bien. De n’avoir pas fait ! Oui, dans ta vie chrétienne, c’est un devoir de faire le bien, de porter secours, de soulager, mais aussi de créer, de partager les dons que tu as reçus, et de servir ainsi la communauté des hommes. C’est ça aimer ! Car attention ! Aimer, comme laver des pieds… ça ne se fait pas à distance. D’abord, il te faut approcher de l’autre, il te faut prendre ce risque, il te faut même le toucher, avec délicatesse bien sûr, dans une proximité pudique. Et pour atteindre cette intimité évangélique, il faut t’abaisser, te mettre à genoux. C’est par en bas que tu dois commencer à servir. Non par la tête et les belles idées, non par le cœur et ses élans, mais par les pieds ! C’est-à-dire, ce qui, en l’autre, a besoin de tes soins. Servir c’est mettre ta tête, ton cœur, au niveau des pieds de l’autre. Même quand, parfois, ces pieds ne sentent pas très bon. Alors, bien qu’à genoux, tu es plus grand, puisque, à la suite du Christ, tu es les yeux, le sourire et les mains de Dieu.

* Livre de Tobie, chapitre 4, verset 15
** Évangile selon saint Matthieu, chapitre 7, verset 12

Fr. Jocelyn Dorvault, Le Caire
Carême dans la Ville

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