Heureux,vous tous, à chaque fois que…
Le mont des Béatitudes, Jésus aurait prononcé ici son Sermon sur la Montagne. Je m’isole avec ce carnet de notes, élisant un coin frais du parc qui domine le lac endormi. Les fleurs m’environnent(…) autour desquelles bourdonnent les abeilles. Se dévoile un aspect négligé du christianisme, l’amour de la nature, la dette envers sa beauté, l’appétit du bonheur. Immédiatement, je me sens relié à l’Ombrie, aux paysages suaves dans lesquels a grandi François d’Assise, qui en a célébré toutes les créatures vivantes. Au milieu des bougainvilliers exubérants, je ne perçois plus le christianisme triste d’Europe du Nord. (…)
Le texte des Béatitudes me semble ici sourdre des gazons et des buissons tant il exalte le bonheur. « Heureux les humbles, heureux les doux, heureux vous tous à chaque fois que (…) Ayez la joie, bondissez d‘allégresse.“ Qu‘il a raison, Jésus, d‘évoquer le Paradis au sein de ce jardin paradisiaque ! Même l‘esprit le plus sec et borné peut l’entendre.
Attention cependant à ne pas se méprendre. Jésus proposait-il arbitrairement une consolation future pour les souffrances du moment ? L‘opium servi au peuple ! Or un jour j‘ai compris qu‘il ne s‘agissait pas d‘une promesse mais d‘une constatation. Le bonheur se trouve actuellement chez ceux qui pratiquent les vertus énumérées. Heureux, vous l‘êtes déjà. Prenez-en conscience, puisez-y de la force. Vous méritez ce bonheur au présent comme au futur.
Désirer que le règne de Dieu vienne, c‘est être habité par Dieu avant d‘aller habiter chez lui.
Sur terre, ce ne sont pas les occasions de s’émerveiller qui manquent, mais les émerveillés.
Éric-Emmanuel Schmitt,
Le défi de Jérusalem, éd. Albin Michel pp.53-55 (extraits)
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