Peinture by Arcabas, Isère |
Demeure le problème de la fragilité de la conscience. Car la conscience, ordonnée à la vérité, ne devrait pas se tromper. Or l'expérience la plus courante lui apporte des démentis. En fait, c'est une méprise que de penser que la conscience morale, spontanée, agirait comme par instinct et pourrait éviter la réflexion, l'information, le débat et le discernement. On peut être responsable de son erreur, notamment quand on néglige de développer ses connaissances morales, d'examiner les circonstances de
l'action, ou lorsqu'on se laisse guider par paresse, précipitation ou passion. C'est pourquoi on ne peut pas évoquer la conscience morale sans parler de sa
formation. La conscience a besoin de guides : lecture sérieuse
de l'Écriture, tradition, expérience partagée avec la communauté croyante, écoute,
information... Nous ne pouvons être excusés d'une faute commise par ignorance que si nous avons fait ce
qui est en notre pouvoir pour éclairer notre action. La conscience est en nous le témoin et l'organe de la vérité et du bien. Elle en a les promesses. Elle ne peut pas
se dispenser de les rechercher.
Il est difficile pour nos contemporains de juger de l'errance de la conscience dans un monde pluraliste, parce qu'ils ne peuvent reconnaître unanimement une vérité partagée et atteignable par tous. Pourtant, plus que jamais, face à l'individualisme radical qui mène à un respect qui sonne faux quand il abandonne l'individu à lui-même, il nous faut tenir que la conscience se construit dans le dialogue. Elle se détruit et se pervertit dans l'isolement social. Sans dialogue, il n'y a pas de chance pour une universalisation de nos conduites comme signe que nous sommes compagnons de la même humanité.
C'est pour cette raison que le théologien protestant américain H. Richard Niebuhr décrivait l'expérience de la conscience morale comme "une conversation". Une conversation qui ne saurait faire fi des situations et de la temporalité, et qui oblige à expliciter ses raisons et à les soumettre à la critique des autres. Par ce travail, la conscience peut se trouver fortifiée, confirmée ou transformée par la médiation d'autrui.
Que la conscience puisse se laisser éduquer par cette vie de relation entre les êtres se défend d'autant plus théologiquement que Dieu est pour le chrétien "moins l'autre extérieur à toute relation que Celui qui, du dedans même de la démarche humaine, contribue à son bien-fondé et donne le goût de s'avancer dans l'aventure de la communication" (3). Là est sans doute une conviction essentielle du chrétien qui devrait lui permettre de comprendre pourquoi l'Église, tout en tenant à l'éminente dignité de la conscience personnelle, renvoie chacun au discernement en communauté.
3) Paul Valadier, Éloge de la conscience, Seuil, 1994, p. 168.
"La conscience
est le lieu où s'exprime la dignité de l'être moral". Une
analyse de Sr Geneviève Médevielle, vice-recteur de l'Institut catholique de
Paris, août 2009
croire.com
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