Mon premier souci n'était pas les personnes, je voulais me donner à un idéal de paix et de vie chrétienne; je voulais apprendre la philosophie, la théologie; mais ce n'était pas d'abord des personnes qui m'intéressaient. J'aimais un idéal et non des personnes. Certes, je voulais suivre Jésus, le connaître, l'aimer, mais plus pour un idéal de vie que pour vivre la communion. Commander, oui; enseigner, oui; obéir, oui; apprendre, oui; mais pas en communion avec d'autres, être vulnérable par rapport à eux était beaucoup plus difficile. Je fuyais des personnes par idéal! Un temps de formation spirituelle et intellectuelle m'était nécessaire pour pour me fortifier intérieurement, pour pouvoir atterrir sur la terre des vivants et des personnes, apprendre à les écouter, à les aimer et à devenir ce que je suis en réalité. [...]
Quand, dans une conversation, je découvre l'autre fortifié dans des positions intellectuelles, politiques, sociales, philosophiques, religieuses radicalement différentes des miennes, et qu'il m'agresse, s'il n'y a pas une communication ou une attraction plus profonde que ces positions différentes, je vois monter en moi mes systèmes de défense et des attitudes agressives. Le ton de ma voix n'est plus celui de l'accueil, de l'ouverture, de l'écoute, de la tendresse, mais un ton plus grave, plus agressif. pourquoi ces systèmes de défense se mettent-ils en place? Est-ce par peur de ne pas avoir raison, peur d'avoir tort, d'être condamné? Peur qu'on touche à des préjugés irrationnels en moi? Peur qu'on pense que je suis enfermé dans une idéologie qui me sert? Il est difficile d'être tout simplement, d'être en relation, ouvert et accueillant à l'autre, vulnérable par rapport à lui, paisible et silencieux.
La tête tellement remplie d'idées, de projets et de problèmes, comment arriver à accueillir l'autre, à l'écouter? Je passe à côté de la beauté et des personnes.
Jean Vanier, fondateur de l'Arche
in Toute personne est une histoire sacrée, éd. Plon
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