ILS SERONT CHERCHEURS DE DIEU

Dès l'enfance, Christian de Chergé a connu ce désir brûlant d'entrer dans l'âme musulmane en prière. Sa mère, "sa première église", l'y avait incité. Il exprime dès 1975 ce souhait qu'il mettra en application: "Dans notre prière l'arabe et le français se mélangent, se répondent, se confondent, se complètent et se conjuguent." Le Pater est dit en arabe par les frères chrétiens comme un message d'échange avec Dieu et les soufis*, suivi du Salve Regina cistercien.

(...) Il ne s'agit pas de faire de la théologie, car souvent elle divise, ni d'ouvrir des débats dogmatiques, ni d'être un groupe de dialogue, simplement de tenter l'ouverture mutuelle pour mieux se rapprocher des êtres dans leur dimension spirituelle. 

Ce dialogue a existé de tout temps. Au fil des siècles, en Andalousie, au Maroc, et malgré les périodes de répression, juifs, chrétiens et musulmans ont vécu bien des expériences en commun, dans la tolérance et le respect.
(...) Le sectarisme d'aujourd'hui s'est développé en particulier chez les hommes qui ignorent leur histoire, et surtout chez ceux qui privilégient les démarches politiques au service de leur pouvoir personnel. La foule qui se recueille sait combien l'autre est toujours nécessaire parce qu'il montre un autre visage, et que cette multiplicité favorise la richesse de chacun.

Christian de Chergé posait cette question à un jeune voisin:
"Si l'on creusait un puits au coeur du monastère, l'eau qu'on y trouverait serait-elle chrétienne ou musulmane?
- Ce serait l'eau de Dieu", répondit le garçon.

*Soufisme: doctrine ésotérique et mystique de l'islam

René Guitton, écrivain

membre de l'Alliance des Civilisations des Nations Unies

in "Si nous nous taisons...", éd. Calman-Lévy