Je crois que l’espérance de l’au-delà confère une endurance et un courage au présent.
L’espoir est ce qui permet de nous projeter, de nous donner des objectifs. L’accumulation des crises (géopolitiques, démocratiques, écologiques…) entraîne une perte des perspectives. Face à cela, ce qui est sûr, c’est que nous ne pouvons pas nous contenter d’une espérance facile, mais la véritable espérance ne l’est jamais. Il y a des épreuves qui sont tellement dures, abruptes, que nous n’avons pas la ressource volontaire de tenir debout. Là intervient l’espérance, qui est d’un autre ordre que le simple espoir de projection. Espérer, c’est une attitude résiliente par laquelle je choisis de rester ouvert à ce que Dieu me surprenne, lui-même directement ou par les personnes et les circonstances au milieu desquelles je chemine.
Dans la langue française, nous avons deux mots, « espoir » et « espérance », mais nous n’avons qu’un seul verbe : espérer. Il y a une sorte de mystère de l’endurance incroyablement résiliente, inventive, opiniâtre des humains, une réponse à quelque chose qui vient de Dieu dans le cœur de l’homme.
Le soupçon pèse facilement que l’espérance chrétienne serait une évasion qui dispense d’assumer sa responsabilité dans ce monde-ci d’une façon courageuse et entreprenante, en consentant à la part de lutte que cela suppose. Au contraire, je crois que l’espérance de l’au-delà confère une endurance et un courage au présent. Espérer revient à s’orienter résolument, malgré les incertitudes et les démentis, vers la possibilité du bien.
L’espérance n’est pas un acte simplement individuel. Nous voyons bien que dans des situations humaines limites – dans la dépression ou à l’approche de la mort par exemple –, notre espérance peut défaillir et nous avons besoin d’être pris en charge par d’autres. Dans l’épreuve, je suis alors porté par l’espérance des personnes qui m’aiment, qui m’attendent, qui me sollicitent. Il y a des situations où le malheur rencontré est si profond qu’espérer consiste à se tenir au côté de celui ou celle qui souffre, dans une simple co-humanité, sans avoir de solution immédiate, sans même formuler une espérance qui serait alors inaudible.
Emmanuel Durand, théologien et auteur de Théologie de l’espérance (Cerf), La Croix L’Hebdo 5/1/25
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