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| Celui qui a créé les étoiles m’appelle par mon nom |
L’invisible, c’est ce à quoi nous a rendu aveugles une certaine manière de voir
Je croyais que l’invisible appartenait aux anges, messagers immatériels dont les ailes sont pour nous rappeler que, sitôt dit ce qu’ils avaient à dire, ils sont déjà ailleurs. Je croyais que l’invisible, c’est ce qu’on ne peut pas voir. Ou pas encore. Qu’il fallait que ce monde disparût pour que l’autre paraisse. Il y a un Ciel, un Paradis où l’ange cesse de nous échapper. Je n’avais pas encore perçu ceci : l’invisible est plus que ce qu’on ne voit pas. C’est le monde comme Dieu le voit. C’est le monde que l’on a sous les yeux mais sous un autre jour, quand la grâce, soudain, perce sous la nature et le Royaume surgit au cœur de ma cité-dortoir.
L’invisible, c’est ce à quoi nous a rendu aveugle une certaine manière de voir, cette façon qu’on a de buter à la surface des êtres. Un regard qui s’habitue peu à peu s’éteint. Il se met à lire en diagonale. Il passe à côté du message et du messager. Sous l’apparence humaine, il n’aperçoit plus l’ange venu nous visiter. Être chrétien, c’est sans cesse traduire. Traduire telle parole blessante en une blessure qui ne s’avoue pas – qui a peut-être besoin de nous pour se dire autrement que méchamment. Ou bien entendre, dans les gestes maladroits de ce caissier novice (fait-il exprès d’ignorer à quel point je suis pressé ?), la leçon que lui, mon prochain, m’offre : « Ne t’impatiente pas. Au contraire, sois-moi présent. Pour ne pas regretter. Car il n’y a qu’une place où tu arrives toujours en retard : celle que tu occupes actuellement. N’est-ce pas en effet à cette place seulement que tu peux aimer ? »
Martin Steffens
Professeur de philosophie en classe préparatoire
La Vie, 3 octobre 2024

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