9 février 2024

PAROLE DE FLIC

 Pour être bienveillant, il faut porter sur soi un regard bienveillant


Mon père spirituel me rappelait de « travailler mon humain ». C’est un chantier permanent, le flic de 51 ans n’est plus celui de 28 ans. Je suis pétri de défauts, d’angoisses. Malgré tout ce que j’ai reçu, la violence de la rue et de l’institution m’ont fait vaciller dans ma foi. Pour être bienveillant, il faut porter sur soi un regard bienveillant. On oublie souvent la seconde partie du commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Je suis tenace par amour. Les membres des associations des familles des victimes sont des gens que j’ai appris à aimer. Et quand on aime quelqu’un, on veut le tirer des ténèbres à la lumière. Je vais sur les tombes des victimes. La quête de la vérité ne peut se faire qu’au nom de l’amour. La source de l’amour, c’est Dieu. J’ai beau avoir un ministère de tutelle, mon grand patron, c’est Lui. C’est en son nom que je me suis mis au service des hommes. Je prie tous les jours, et plusieurs fois par jour. Je suis assez cash. Il sait ce que j’ai à lui dire, mais le dire, c’est mieux. Lors d’une opération importante, je laisse le Christ et sa mère passer devant moi. Avec les prières d’abandon : « Ma grâce te suffit », « Ma force trouvera sa puissance dans ta faiblesse. » Et plus je me crois fort, plus je me plante. Dans une interview, j’ai entendu un commissaire dire au sujet de malfaiteurs qu’ils avaient « la malhonnêteté dans leurs gènes ». Cela ne me convient pas. Pour moi, chaque humain naît avec la capacité de faire le bien… ou le mal. Pour moi, nous sommes tous marqués par le divin. À mon sens, l’histoire d’une victime est aussi sacrée que celle de son meurtrier. C’est une conviction que je traîne avec moi, car c’est le fondement de ma vocation de policier. Mais si je dis qu’il y a d’un côté les bons et de l’autre les méchants, il n’y a plus qu’à tirer dans le tas. La parabole du fils prodigue donne du sens à mon métier. Même ceux qui commettent l’irréparable ont le droit de se racheter. On a une dernière chance jusqu’au bout. 

Raphaël Nedilko, policier interviewé dans La Vie

Aucun commentaire: