1 novembre 2023

TOUSSAINT




« Préparer nos tombes »

 Je venais simplement préparer une tombe avant la Toussaint, et en prononçant ces paroles « préparer sa tombe «,  je me suis demandé ce qu’elles signifiaient pour nous, qui sommes si nombreux à «préparer nos tombes», ces jours-ci.

 «Mon petit-fils», une vie si courte, un enfant si malade, les années passant n’en avaient-elles pas fait leur affaire ?  Le cimetière était vide, la pluie vigoureuse et ininterrompue, il faisait vraiment un temps à ne pas mettre un chat dehors. De mon grand sac gorgé d’eau j’ai tiré mon téléphone pour photographier la tombe.

Tout semblait clair. Un petit tapis de gravier immaculé signalait l’étroite tombe. Derrière l’olivier et la lavande vigoureusement taillés, le prénom et le nom de l’enfant s’offraient, bien lisibles, aux yeux des passants comme, profondément gravées juste en dessous, les dates de sa naissance et de sa mort, au jour près. Au pied des plantes, les figurines d’animaux évoquaient le monde auquel l’enfant n’avait guère pu appartenir mais sur lequel à sa façon il régnait en seigneur. Il était un monsieur, en somme ! Un monsieur comme ses innombrables voisins et bien au-delà, un monsieur comme tout être passé par cette terre, pour un jour ou pour trente mille. En majesté ou en handicapé, un monsieur depuis le premier jour, un monsieur pour toujours. C’était sans doute ça, finalement, que signifiait la formule « préparer la tombe pour la Toussaint ».

J’ai envoyé la photo à ma fille. Mais elle m’a tout de suite répondu : «Tu as eu un rayon de soleil, finalement!» Je ne m’y attendais pas, mais si le soleil se voit sur la photo, c’est qu’il y est.

*

Je n’imagine pas une société qui ferait comme si les morts n’existaient pas, et qui s’imaginerait que le souvenir n’a pas besoin de gestes, de gestuelle, même, pour être entretenu. Je ne crois pas à la force spontanée du souvenir. Il est comme un muscle qui s’étiole si on ne l’exerce, et je m’imagine facilement que les morts espèrent non seulement nos pensées mais notre visite. 


Geneviève Jurgensen, chroniqueuse

la-croix.com



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