13 août 2023

ENTRE PAROLE ET RÉALITÉ



La vérité est toujours au-delà de soi

Une certaine idolâtrie du langage voudrait nous faire croire que 
« le mot est la chose », que la parole vraie doit, 
nécessairement, correspondre à ce qu’elle énonce. Sans écart. 
Et que cette parole, qui se transmettrait comme un trésor, 
serait en possession de celui qui la donne. Il faudrait ainsi être 
saint pour parler de sainteté, il faudrait être libre pour parler de 
liberté, il faudrait être pur pour parler de pureté… En fait, non ! 
Les mots, le langage, la parole même sont toujours au service 
de réalités qui les dépassent largement. Nous pouvons parler d’une 
liberté que nous ne possédons pas, mais que nous espérons, 
d’un amour, d’un pardon, d’une sainteté, d’une pureté que nous ne 
possédons pas, mais que nous désirons. Le fait d’être pécheur 
ne nous empêche pas de savoir parler du salut aux autres. La 
vérité est toujours au-delà de soi et c’est pourquoi elle déborde 
largement la parole. Dans la parole, nous offrons ce que nous n’
avons pas.
L’écart de la Parole, c’est exactement ce que Jésus met en scène 
dans ses paraboles. Sa Parole n’est pas un en-soi : ni à lire au 
pied de la lettre ni à absolutiser. Même la Parole de Dieu s’incarne 
dans une formulation fragile et qu’on peut facilement contredire. 
Elle finira d’ailleurs clouée sur le bois. Jésus nous rappelle 
ainsi que la Parole n’est jamais qu’un outil fragile qui oriente 
notre regard vers un réel qui la déborde infiniment. Il nous faut 
donc être attentifs, vigilants, il faut interpréter, traduire, reformuler 
la Parole pour découvrir et comprendre sa vérité profonde. On ne 
peut pas se contenter d’une lecture littérale, au premier degré. Et ce 
qui est valable pour la Parole de Dieu, l’est aussi pour toutes les 
autres paroles, en particulier celles qui se présentent à nous comme 
absolues et définitives. Avec ses paraboles, Jésus nous invite donc 
à une écoute active, car ce qui l’intéresse, contrairement à tant de 
mauvais pasteurs, ce n’est pas de guider des sourds mais de leur 
ouvrir les oreilles.

Extrait de Matthieu Pas à Pas (2018)
Frère Jocelyn Dorvault, dominicain 

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