24 mars 2023

LES BONNES PERSONNES EXISTENT-ELLES ENCORE ?

 




Le courage de se choisir comme personne morale


Comment savoir si nous faisons bien les choses, et comment devenir quelqu’un de bien ? Enfant, on m’a souvent dit : l’important, c’est d’être une « bonne personne ». On le disait avec une conviction familière pleine de bon sens, sans imaginer un seul instant qu’il s’agissait d’une des questions les plus épineuses de l’esprit humain depuis les origines de la philosophie et de la morale !  Nous nous sommes éloignés des principes qui structuraient traditionnellement notre monde et ses représentations du bien, de la justice, de la bonté. Sommes-nous entrés dans l’ère du soupçon et du relativisme, qui nous empêcherait de désigner une « bonne personne » ?

Pourtant nous savons qu’il existe des gens bien, nous les reconnaissons. Des personnages découverts dans des livres ou dans la vie, des personnes qui s’opposent à la lâcheté, à la cruauté et la barbarie.  L’existence de la bonne personne n’est pas simplement un fait mais une exigence. Si on ne peut plus prendre appui sur une métaphysique, une foi, des valeurs universelles, on peut, et on doit, d’abord s’être choisi en tant que personne morale. Une bonne personne, dans le monde postmoderne, doit affronter le vertige de cette décision personnelle, avoir le courage d’en faire un choix pour soi-même et pour autrui. Jusqu’à définir son destin propre comme condition du bonheur dans l’épreuve du discernement éthique, du choix de la bonne action, de la belle œuvre. J’ajouterais qu’une bonne ou belle personne n’est surtout pas une personne parfaite. D’ailleurs, qui est trop parfait menace Dieu (le sujet de bien des contes spirituels), qui imite trop bien le Créateur, fût-ce pour le servir avec les meilleures intentions, se substitue à lui et devient le diable. N’est-ce pas le vrai sujet de l’énigmatique Livre de Job, un conte biblique sur un homme qui se voulait irréprochable au point de devenir lui-même un défi à l’ordre divin ? Plutôt que de geindre sur le relativisme contemporain, ou rêver à des mondes monstrueux de perfection, sachons entendre que « nous sommes moralement responsables de nous-mêmes et de nos compagnons d’existence, et que dans nos choix moraux nous devons sauter dans l’inconnu » (Agnes Heller, philosophe). 


Les bonnes personnes existent-elles encore ?

Frédéric Boyer, écrivain, essayiste 

la-croix.com

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