2 avril 2022

LE RETOUR DU TRAGIQUE

 

Ne nous habituons pas à la violence.

Devant la tragédie de la guerre qui s’installe à nos portes, tous, nous sommes à la merci de céder à notre défaitisme intime. Surtout devant le spectacle quotidien de bombardements civils, de cadavres jonchant les rues et de familles se terrant jour et nuit dans des caves… Comment ne pas vibrer comme un sismographe au malheur humain ! Et courir le risque d’y laisser un peu de la peau de notre espérance ? C’est le salaire de l’empathie sincère. 


Mais un autre risque nous menace. C’est celui qu’a identifié le pape François lors d’un récent Angélus : « Veillons à ne pas nous habituer à la violence et à la guerre… il y a un danger que dans les semaines ou les mois à venir, nous nous y habituiions et que nous oubliions ! » L’habitude ! L’habitude et son corollaire immédiat, l’ennui. Voilà ce qui pend au nez des âmes habituées à la paix : si la guerre devait s’enliser, nous pourrions être tentés de regarder ailleurs, de zapper pour voir d’autres images plus rassurantes et agréables.       


Jean-Marie Domenach, résistant au nazisme et intellectuel catholique engagé avait écrit, dans les années soixante, un essai intitulé Le Retour du tragique. Il expliquait que la paix et la sécurité apportées par la victoire des démocraties sur les totalitarismes, avaient anesthésié la conscience des Européens. Habitués à vivre sans la crainte d’un conflit militaire, ils avaient « éliminé le tragique en le noyant dans le bien-être et la science ». Pourtant rappelait l’auteur, « le retour du tragique est inévitable ». Depuis un mois, le tragique est de retour en Europe et dans nos vies. La guerre en Ukraine est devenu notre pain noir. Pour ne pas être ingrats envers les années de paix dont nous avons bénéficié pendant presque quatre-vingts ans, peut-être devons-nous simplement nous évertuer, chaque jour, à ne pas oublier la guerre, à ne pas nous habituer à la violence. « Le démon de mon cœur s’appelle : À quoi bon ! » disait Bernanos.  


Michel Cool, essayiste

La tentation du pessimisme

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