29 avril 2021

ENTRE LE CIEL ET NOUS : LES ARBRES

 



Ce ne sont pas les merveilles qui manquent à notre quotidien mais notre œil qui manque à la merveille.


L’idée du recours à l’arbre contre la modernité — des racines sur la terre, des rameaux vers le ciel — est très juste parce qu’un des grands malaises de notre société est la perte du royaume intérieur, son incapacité au silence et à faire marcher sa petite musique intérieure. Saint-Exupéry avait une très belle formule pour décrire les arbres, il disait qu’ils étaient « la jonction entre le ciel et nous, entre les étoiles et la terre ».


Nous, chrétiens, plaçons l’espérance en Dieu. Mais nous ne sommes pas étrangers à la perte de l’espérance, ni au sentiment que Dieu puisse disparaître à un moment, de manière intellectuelle ou sensible. J’ai l’impression d’être aussi passé par là, par une perte d’espérance et de foi, ce que les anciens appelaient l’acédie. L’acédie serait un mot plus juste pour évoquer cette perte de sens et de souffle de l’âme.

La modernité a mis l’homme sur un piédestal. Et en ce sens, retrouver sa place dans la nature influence l’ego. Saint Bernard disait qu’on trouve bien plus de sagesse dans la nature que dans une bibliothèque. Un sentiment que beaucoup partagent en cette crise sanitaire. En tant que catholique on n’a pas le droit à la dépression, aux pensées suicidaires, car nous croyons à la vie et à Celui qui donne la vie. Et quand l’idée de la vie disparaît, éveiller ses sens est un bon recours, car la merveille nous réconcilie avec la vie. Cela peut aussi passer par le regard, la musique.


Nous vivons actuellement une acédie de société : l’espérance de vie se confond avec l’espérance de la vie et cela nous fait à mon avis souffrir. Ce qui est supérieur à la conservation de la vie est la vie de l’Esprit et celle de l’âme. On nous fait croire qu’on peut vivre avec des biens essentiels ou non essentiels. Quand je pars faire une retraite, j’ai accès à ce qui a été considéré comme non-essentiel : le silence, l’émerveillement, la nature, la beauté du monde. On parle beaucoup du retour à la nature, mais nous sommes hyper connectés. Et la technologie peut être un frein à la vie de l’esprit. Je me suis profondément réconcilié avec la vie en allant au milieu du vivant. 


Ce ne sont pas les merveilles qui manquent à notre quotidien mais notre œil qui manque à la merveille. Les arbres sont d’une grande aide, ils sont ces êtres qui, traversant les tempêtes des existences et des siècles, se tiennent enracinés, debout, toujours prêts à rejaillir au printemps, avec la virilité dont parle sainte Hildegarde, cette puissance que nous avons en nous. Je suis parti dans mon arbre pour boire la sève de la vie et me redresser avec lui. Il n’a pas été un thérapeute mais un maître qui donne à penser et à voir le monde.

Mon monde s’écroulait et je me suis réfugié dans un royaume sylvestre, qui était aussi une allégorie du royaume intérieur que j’ai du mal à trouver dans l’agitation du monde, avec les mails, le téléphone  ... 


Édouard Cortès, écrivain voyageur


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