Image Country Living, Christmas 2019 |
« Je crois que je suis aimé tel que j’ai été, tel que je suis, tel que mon propre coeur me voit, me juge et me condamne. »
C’est ici, et c’est maintenant, qu’au retour d’une messe solitaire, je me sens trop heureux pour songer à rien faire d’autre qu’à arranger le feu comme faisait ma mère, elle aussi, au retour de la messe. Tous mes morts, je les revois, armés des mêmes pincettes. Étaient-ils heureux comme je le suis ? Car c’est de bonheur et non de consolation qu’il s’agit. En fait, je ne suis consolé de rien, ni de mes chagrins secrets, ni de l’abomination publique, ni de mon histoire privée, ni de la criminelle histoire humaine. Consolé de rien, heureux pourtant. Ces messes quotidiennes, je m’y assieds comme auprès d’un feu qui ne brûlerait que pour moi.
Être seul tard le soir, dans une maison de campagne, s’arrêter d’écrire, et dans cette absence de tout bruit, dans cette interruption de tout signe humain, se sentir tel qu’un voyageur à la fin des terres, à l’extrême pointe du monde visible. Alors la prière du soir monte de nous comme une fumée, sans que nos lèvres remuent.
C’est toujours Noël dans ma pensée et dans mon coeur, à la saison des matins noirs. Toute messe d’hiver demeure liée pour moi au mystère de la Nativité. Marchant lentement sur le trottoir mouillé, je referme, comme Siméon fit peut-être, mon manteau sur le petit enfant qui m’a été donné. Ce n’est plus seulement dans mes bras que je le tiens, il est au-dedans de moi désormais.
François Mauriac, (1885-1970) écrivain, académicien
Mémoires intérieurs
Prier - décembre 2020
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