17 juillet 2020

CRIER DANS LE DÉSERT



„ Une voix crie dans le désert „  by Arcabas

Un cri venu du fond de la conscience

Crier dans le désert : on doit l’expression à Jean le Baptiste. Terrible impression de crier dans le désert : aucune chance de se faire entendre puisque, par définition, le lieu est inhabité. On parle dans le vide, on s’époumone…
Guy Aurenche, ancien président de l’Acat, se souvient de cet officier de l’armée chilienne, séquestré pour avoir refusé de tirer sur la foule. « On parle de toi au dehors ! », entend-il un jour dans sa cellule : « J’étais sauvé, car je n’étais plus seul. » Et si notre cri n’était pas inutile ? Et s’il rencontrait l’oreille inespérée ? Un cri dans le désert, c’est comme une bouteille à la mer. Un cri qui vient du fond de notre conscience.
Le désert n’est pas seulement ces grandes étendues fascinantes. Il est à nos portes. Dans une société de communication, il est devenu paradoxalement plus difficile de se faire entendre : Toutes les paroles se valent, les paroles politiques, religieuses et maintenant scientifiques sont délégitimées. Et il est parfois risqué de lâcher ce cri, parce qu’il heurte les idées reçues, bouscule les certitudes. Le lanceur d’alerte vient déranger l’ordre établi, il est habité du sentiment impérieux de contribuer à la bonne marche de la société et voilà que sa propre parole le met en danger. Héros ou traître, celui qui dénonce est renvoyé dans son désert de solitude.
Le désert est justement le rendez-vous d’une parole vraie. C’est le lieu du détachement, de la disponibilité, de la liberté. C’est aussi chercher Dieu, car le désert n’est pas vide : C’est pour vivre une relation directe à Dieu que les Pères du désert se sont fait anachorètes et l’on vient écouter ces sages qui vivent une grande proximité avec Dieu. 
Le désert est la terre de l’effroi et de la beauté, de l’éblouissement et de l’invisible. Habité de présence, le désert nous invite à oser : Notre âme a soif d’absolu, impossible de ne pas être croyant dans le désert.
Mais se référer au texte originel de l’Ancien Testament vient bouleverser le sens : « Une voix crie : dans le désert tracez le chemin du Seigneur, percez droit dans la steppe l’avenue de notre Dieu ». Comme pendant l’Exode, Dieu donne rendez-vous au désert. Voilà la bonne nouvelle. Le vide qui nous entoure permet de prendre conscience d’une plénitude qui est en nous. Dans le grand silence va se révéler une parole. Le désert – qu’il soit physique, urbain ou intérieur – est le lieu de la rencontre. Charles de Foucauld en était témoin : « Il faut passer par le désert et y séjourner pour recevoir la grâce de Dieu. »

Christophe Henning, journaliste
„Crier dans le désert“ (extrait du billet)
seraphim-marc-elie.fr

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