19 avril 2020

L’URGENCE DU DON





Tout ce qui n’est pas donné est perdu, cela s’appelle la charité.

La promesse de Pâques, l’espérance chrétienne, c’est le désespoir traversé. Gardons-nous de profiter des malheurs des temps pour dire: «  Ça se passe mal sur la Terre, regardez le ciel ! » Pâques n’a rien à voir avec le mépris. Cette fête des fêtes nous révèle un lien profond entre la Terre et le Ciel, entre le temps et l’éternité, et ce lien s’appelle la charité. Quand on est dépouillé de tout, la seule chose qui tienne encore, ce sont les actes de charité. Les soignants le manifestent au quotidien. Je pense aussi à toutes ces personnes qui posent des gestes simples avec leurs proches dont ils redoutent la maladie. Tout ce qui n’est pas donné est perdu. C’est le sens du don de la vie du Christ sur la Croix. La Pâque n’est pas un pari sur l’au-delà mais un appel à vivre ici et maintenant cette vie d’offrande.
Bien sûr, nous vivons depuis toujours dans l’imminence de la mort. Aucune civilisation ne pourra jamais dépasser cette réalité. Cela signifie qu’au fond, nous sommes toujours humains.  Pour le meilleur et pour le pire. Mais retrouver notre humanité, c’est aussi retrouver la prééminence de l’engendrement et de la transmission: notre vie fait sens parce qu’elle se reçoit et se donne. Je pense à nos aînés. Pour eux, le plus grand drame serait de mourir sans avoir pu transmettre ce qui les animait. Si Abraham meurt « rassasié de jours », c’est parce qu’ayant eu pleinement confiance en la vie que Dieu donne, il a pu la transmettre, aussi abondante que les étoiles dans la nuit. Plus que jamais, l’imminence de la mort doit se convertir en urgence du don.

Fabrice Hadjadj, écrivain, philosophe 
Revue Pèlerin, 9 avril 2020

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