10 février 2020

DE L’HUMILITÉ ET DE LA GLOIRE





Le héros brille, le saint illumine.

L’humilité n’est pas liée à l’obscurité, mais au consentement à se placer sous la vraie lumière. Et comme cette lumière se donne à nous, on en devient responsable, on doit la répandre : c’est pour cela que la vertu d’humilité est liée à celle de magnanimité (le fait d’avoir une grande âme, et de chercher la plus grande chose, qui est d’être coopérateur du Salut). Le héros brille. Le saint ne se contente pas de briller : il illumine.
(...) Le mystère chrétien manifeste que la vraie gloire n’est pas dans ce qui s’affiche. Dans l’affichage, il y a une double équivoque : celle de la vulgarité, parce qu’on veut le suffrage des masses ; celle de l’esquive, parce qu’on cherche à fuir le quotidien. Beaucoup partent combattre des dragons parce qu’ils sont incapables de causer avec leur belle-mère. Leur grandeur se fonde sur une fuite et un aveuglement devant les merveilles du quotidien, qui sont les merveilles de l’homme et de la femme à l’image de Dieu. Mais des choses aussi simples vont demander de plus en plus d’héroïcité. Au temps de la désincarnation technologique, être un homme et une femme, avoir des enfants, cultiver un potager ou travailler le bois, cela réclame un grand courage et même la foi au Dieu qui s’est fait charpentier...
La grandeur n’est pas du côté de ce qui fait exploser les limites, mais au contraire de ce qui prend soin et cultive le donné naturel. La grandeur du paon est d’être parfaitement paon, déployant les ocelles de sa roue devant une paonne sensible à la beauté. La grandeur de l’homme est d’être pleinement humain, et non de devenir un cyborg.
Au cœur du christianisme, il y a cette affirmation que la grâce ne détruit pas la nature, mais la suppose, la guérit et l’élève. La divinisation de l’homme n’est pas sa déshumanisation. Au contraire, plus il est divin, plus il est humain ; plus il est spirituel, plus il est charnel. C’est pour cela que la gloire peut rejoindre les actes les plus ordinaires. L’Incarnation le révèle. Le Christ a respiré, mangé avec les pécheurs, dormi au milieu de la tempête, et ces actes quelconques étaient des actes d’un Dieu...

Fabrice Hadjadj, philosophe chrétien: « Nous instrumentalisons l’humilité »


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