28 octobre 2019

ACCEPTER D’ÊTRE IMPARFAIT





La cohérence s’impose comme premier témoignage des chrétiens dans une société qui n’est plus chrétienne.

Pour être crédibles, soyez cohérents ! Cet impératif, sans doute pourrait-on le résumer à gros traits par l’expression courante « faire ce que l’on dit » ou de la parole aux actes.
Exigeante, parfois vertigineuse, la cohérence déployée par Jésus au cours de sa vie terrestre a de quoi inspirer. Tendre la joue gauche, frayer avec les lépreux et les prostituées, mourir pour ceux qu’on aime : la charité inlassablement louée en bordure du lac ou en haut de la colline ne reste pas lettre morte… et demeure encore, deux mille ans plus tard, l’horizon éthique insensé de plus de deux milliards d’humains.
Dans un Occident sécularisé, qui tient les sermons en horreur et fuit les donneurs de leçons – surtout sur les questions intimes –, la cohérence de vie pourrait bien être la dernière manière pour les chrétiens de faire entendre leur voix. 
Pris dans ce tourbillon de responsabilités, le « catho lambda » pourrait bien être tenté de laisser tomber : trop lourde pour moi, votre cohérence, laissez-moi mes contradictions ! A fortiori si l’on se souvient que saint Paul lui-même semblait peiner à s’y astreindre : « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas » (Rm 7, 19).
(...) La cohérence évangélique est un chemin, il faut accepter d’être imparfait. Mais il faut quand même tendre vers cet idéal. 
C’est certain, la cohérence n’est pas gravée dans le marbre. Chaque chrétien cherche à bon droit à la définir et elle peut ne pas épouser la même définition que celle de son voisin. C’est ce que le philosophe Denis Moreau appelle la « cohérence localisée » ou « à géométrie variable », remarquant que certains sujets, comme la bioéthique, font l’objet de davantage de « fixation » que d’autres.
Car finalement, la cohérence ne se nicherait-t-elle pas dans les tréfonds de ma conscience ? Ne relèverait-elle pas avant tout de l’intime et de l’exigence personnelle envers soi-même ? Dans ce cas, les injonctions venant d’une institution qui a pu faire l’étalage de ses failles dernièrement et donner un contre-témoignage radical peuvent parfois agacer mais sans remettre en cause la soif et la nécessité de cohérence des chrétiens. « La cohérence, c’est pour moi une affaire très intérieure qu’il faut toujours mettre en regard de nos vulnérabilités, souligne François Huguenin (1). Il n’y a pas, ici-bas, de cohérence absolue. Nous ne sommes pas des super-héros. »

(1) historien des idées, essayiste et journaliste

Arnaud Bevilacqua et Mélinée Le Priol, journalistes
La cohérence de la vie chrétienne


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