11 août 2019

QUI PARLE DE MÉRITE ?






„ Tu étais serviteur, tu seras mon ami. „

Le maître était parti il y a longtemps déjà. C’est à peine si ses traits restaient en ma mémoire. Déjà sa voix aimée n’était plus familière. De lui j’avais tout appris. Je crois que sa confiance m’avait bien fait grandir. Un jour, sans prévenir, il me remit son bien, n’acceptant de ma part aucune remontrance. Je me savais indigne de l’auguste héritage : « Je ne le mérite pas ! » – « Qui parle de mérite ? », répondit mon bon maître. « Je donne à qui je veux. Je pars. Je reviendrai. »
Dans ma grande surprise je ne demandai pas l’heure de son retour. Les jours passèrent. Je m’appliquais, inquiet, au travail confié. Tout tremblant à la tâche, de peur qu’à son retour, le maître courroucé ne trouve ses affaires comme il les eut souhaitées. Je craignais sa colère. Quelques mois écoulés, la crainte s’estompa. Scrupuleux, je tenais néanmoins à redoubler d’effort. Le devoir de bien faire, la fierté du gérant constatant alentour le bon train des affaires. Le devoir m’obligeait. Et puis, les ans passèrent. 
Apaisé désormais, j’avais plus de douceur pour ceux qui travaillaient, fidèles, à mes côtés. Et le maître, distant, me paraissait meilleur. Je n’avais plus la crainte d’un retour courroucé, l’orgueil s’était éteint, ne restait que l’amour, pur, désintéressé. Je ne le craignais plus, pas plus que je l’enviais. Il me tardait seulement de lui dire : merci.
C’est alors qu’il revint, démontrant sa patience. Il attendit longtemps, que s’épura mon cœur. « Tu étais serviteur : tu seras mon ami. »

Frère Franck Dubois
Couvent de Saint Thomas d'Aquin à Lille
L‘économe fidèle 
Méditation sur „Tenez vous prêts“ Lc 12, 32-48

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