12 janvier 2019

PRENDRE LE CHEMIN DES MAGES






La joie, une boussole pour nos chemins de vie

Le ciel et les astres ont toujours eu une place privilégiée dans l’imaginaire des hommes. Chez beaucoup de nos contemporains, il y a d’ailleurs comme un mage qui sommeille, qui croit « à sa bonne étoile », qui éprouve ce besoin de sécurité, celle d’une présence céleste qui offrirait des certitudes : un Dieu dans les étoiles, à lire comme un horoscope, un dieu sidérant en quelque sorte ! Sidérer —et la racine du mot le dit— signifie subir l’influence des astres. Un dieu sidérant serait comme une énigme à déchiffrer, qui offrirait un destin tout tracé à l’humain. 
Voilà l’image d’un Dieu qui ne se trouve absolument pas à contempler dans la crèche. En cette fête de l’épiphanie, le Christ se révèle au monde sans éclat, sans brillance, mais seulement dans la tendresse et la fragilité. Pour le contempler, prenons alors le chemin qu’ont emprunté les mages ! Déplions la carte de notre vie, avec la boussole de notre joie. Creusons en nous notre propre désir et suivons les mages. Ces derniers ont su quitter leur zone de confort, pour découvrir un autre visage de Dieu. Prendre leur chemin, c’est d’abord oser prendre des risques… Nous l’avons entendu : les mages sont arrivés d’abord à Jérusalem, alors que l’étoile leur indiquait Bethléem. Ils sont arrivés au lieu du pouvoir, de la religiosité, alors que l’étoile pointait vers le lieu de la fragilité. Nos vies sont ainsi faites d’errances, mais elles ne se réduisent pas à nos échecs et nos erreurs. Prendre le chemin des mages, c’est quitter le lieu des sages, abandonner nos raisonnements trop humains, pour découvrir un Dieu autrement divin, un Dieu libre, inouï, qui se laisse découvrir dans une crèche, c’est-à-dire dans n’importe quel lieu d’enfantement, d’ouverture, de possible et de promesse. Prendre le chemin des mages, c’est en fait désirer en vérité : quitter l’idéalisation, pour découvrir que tout être aimé, quel qu’il soit, nous échappe, nous surprend. En effet, désirer quelqu’un, c’est l’aimer comme autre, comme une personne qui ne peut correspondre à nos rêves et nos envies. Désirer Dieu, c’est donc accepter d’être dérouté, amené sur des chemins imprévus, pour l’accueillir dans chaque visage. Désirer Dieu, c’est lui donner d’être ce qu’il est —dans la finitude et l’incertitude— et non pas l’imaginer comme nous voulons qu’il soit.

Frère Didier Croonenberghs
Extrait de l‘homélie de l‘Épiphanie
6 janvier 2019

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Edmond publia Les musardises, un recueil de poèmes, à 22 ans seulement. Il y écrivit notamment " Les rois mages " :

Ils perdirent l'étoile, un soir ; pourquoi perd-on L'étoile ? 
Pour l'avoir parfois trop regardée.
Les deux rois blancs, étant des savants de Chaldée, 
Tracèrent sur le sol des cercles au bâton.
Ils firent des calculs, grattèrent leur menton, 
Mais l'étoile avait fui, comme fuit une idée. 
Et ces hommes dont l'âme eût soif d'être guidée 
Pleurèrent, en dressant des tentes de coton. 
Mais le pauvre Roi noir, méprisé des deux autres, 
Se dit "Pensons aux soifs qui ne sont pas les nôtres, 
Il faut donner quand même à boire aux animaux." 
Et, tandis qu'il tenait son seau d'eau par son anse, 
Dans l'humble rond de ciel où buvaient les chameaux
Il vit l'étoile d'or, qui dansait en silence.


Poème d‘Edmond Rostand: Les rois mages.
PRIXM prixm.org 13/01/2019


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