« Nous n’avons fait que notre devoir. » (hozana) |
Nos émotions placées sous la garde de la raison nous ouvrent le cœur.
« L'homme de ce temps a le coeur dur et la tripe sensible », remarquait Georges Bernanos, dont le bon sens et la finesse étaient servis par un extraordinaire sens de la formule ! Le diagnostic a été posé il y a quatre-vingts ans mais, faute de soins appropriés, la maladie n'a cessé de s'étendre. Devenue pathologiquement émotionnelle, notre époque se laisse guider par une affectivité que rien ne guide ni ne contient, comme une eau qui, faute de canalisations, partout se répand et se perd.
Ce n'est pas en nous vendant de l'émotion en promotion que nous serons meilleurs, car notre relation au monde et aux autres ne se fonde pas sur une affectivité à fleur de peau, mais sur notre capacité à les comprendre et notre volonté de les aimer.
Nos émotions nous construisent lorsqu'elles sont ajustées au réel et qu'elles s'expriment avec simplicité, mesure et naturel. Placées sous la garde de la raison qui les hiérarchise et les structure, elles nous permettent de développer une affectivité profonde et équilibrée et nous ouvrent le coeur. Quand la tripe n'est pas sensible, le coeur ne risque pas de l'être ! Mais, comme Bernanos le constatait déjà, nous en restons à une émotion de surface qui se volatilise avant d'avoir pu nous toucher en profondeur. Le coeur reste indifférent ou, débranché de la raison, il s'emballe de manière désordonnée.
Combien de versets de la parole de Dieu nous mettent en garde contre l'endurcissement qui, en nous coupant de nos frères, nous éloigne de Dieu ? La très difficile question de l'accueil des migrants a mis à nu nos pauvretés, nos peurs, notre indifférence, nos duretés. Il ne s'agit pas simplement de se laisser émouvoir un instant mais de se laisser saisir de l'intérieur, convertir, pour aimer vraiment, dans la durée, avec ce que cela suppose d'efforts et d'inconfort. Le combat contre la mondialisation de l'indifférence se joue dans notre coeur et non dans nos tripes. Ce n'est pas parce qu'on a la larme facile qu'on aime en vérité. Dieu scrute nos coeurs et sonde nos reins, Il sait combien nos mauvais choix, notre orgueil, notre égoïsme, nos refus, bref, notre péché, nous endurcissent. Il cherche le chemin de notre coeur...
Trouver l'attitude juste, se laisser guider par le coeur, la raison et l'Évangile est un défi de taille. Aimer en Dieu et avec Dieu celui vers qui notre émotion nous porte comme celui qu'elle rejette est un combat qui ne se gagne que dans la prière. Laissons-nous toucher par le Seigneur pour qu'avec Lui et en Lui notre coeur de pierre devienne un coeur de chair. Le coeur sensible et la tripe ferme, nous pourrons aimer en actes et en vérité.
Coeur dur et tripe sensible
de Juliette Levivier, théologienne
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