5 novembre 2018

ACCUEILLIR « EN VÉRITÉ « 


Image hozana.org

Aimer est un risque à assumer.

Accueillir le monde et les autres tels qu’ils sont ne signifie pas renoncer à tout sens critique. L’amour ne va pas sans la vérité, et l’hospitalité ne demande pas que l’on renonce à son identité.
Le monde des hommes, la famille humaine tout entière avec l’univers au sein duquel elle vit.  C’est celui-là que nous sommes invités à aimer. Mais aimer ne veut pas dire être en admiration béate.
Nous, les chrétiens, sommes dans ce monde. L’Église apporte quelque chose au monde et elle reçoit du monde. Il y a un échange constant. Et cela ne peut se faire que sur fond de bienveillance, d’amour. "Nous hébergeons en nous Dieu et le monde entier" disait le pasteur Bonhoeffer. C’est à la fois « en nous et dans le monde entier » que Dieu est présent… L’Esprit souffle où il veut. Et le monde est en nous aussi, avec tout son positif et son négatif, de même que nous sommes dans le monde. Nous en sommes solidaires.
Je crois qu’il n’y a pas une seule mais plusieurs bonnes pratiques de l’amour pour le monde. Il suffit de voir la diversité des engagements des chrétiens au cours de l’histoire. Chacun a contribué à sa façon à construire un monde meilleur, ouvert à l’amour, ouvert à Dieu. « Discernez la valeur de toute chose. Ce qui est bien, gardez-le », dit saint Paul (1 Thessaloniciens 5,21).
Je pense que c’est là un conseil sûr : un parti pris d’accueil, une attitude d’amour sans laquelle on n’entre pas en vraie communication, mais qui n’interdit pas le sens critique, puisqu’il faut ensuite retenir et développer ce qui est bon !
L’accueil comporte des risques, bien sûr, quand on accueille, on prend des risques. Or, aimer suppose d’entretenir une attitude d’accueil. Cependant, « aimer » et « accueillir » ne sont pas synonymes.
Jésus nous demande d’aimer nos ennemis et de prier pour ceux qui nous persécutent (Matthieu 5,44). Cela ne veut pas dire qu’il faut ouvrir notre porte à ceux qui nous persécutent et les encourager dans cette attitude. Ce ne serait pas leur vouloir du bien.
Aimer suppose un a priori de bienveillance. Mais cela reste un risque.
L’observation des groupes sociaux montre qu’on n’a que trop tendance à s’en prémunir : on supporte bien des petites différences, mais de grandes différences sont plus difficiles à vivre. 
S’accueillir mutuellement suppose que chacun reconnaisse l’autre pour ce qu’il est, le respecte, entre en communication avec lui. C’est rarement acquis au départ. Car si on ne prend aucun risque, par exemple celui d’être un peu dérangé, remis en question, on n’accueillera évidemment pas grand monde. Dans nos relations, nous avons toujours à articuler harmonieusement résistance et abandon, accueil et esprit critique !
Nous sommes donc parfois confrontés à une exigence de vérité !
Dans la suite de ce que je viens de dire, j’ajouterais que s’accueillir mutuellement, c’est s’accueillir en vérité. Le règne de Dieu commence à poindre quand « amour et vérité se rencontrent » et quand « justice et paix s’embrassent » (Psaume 84,11).
Pas d’amour sans vérité, pas de paix sans justice.
Restera toujours la possibilité de travailler concrètement à améliorer nos relations quotidiennes ou d’agir ensemble pour la société, ce que l’Église appelle le « dialogue de la vie » et le « dialogue de l’action ».
Mais un véritable accueil mutuel ne peut progresser que dans la reconnaissance de chacun pour ce qu’il est : nous ne possédons pas des vérités, nous sommes les serviteurs d’une Vérité plus haute dont les rayons nous éclairent, tantôt plus, tantôt moins. Ceci s’applique, me semble-t-il, aux relations entre chrétiens et à plus forte raison entre membres de la même Église : savoir prendre le risque de l’accueil, ne pas nier les difficultés et les incompréhensions, se rencontrer en vérité, c’est-à-dire dans la reconnaissance de la part de vérité que comporte la position de l’autre.
L’Église est traversée par des diversités, légitimes, de générations, de cultures, de convictions politiques, de situations sociales… C’est le signe qu’elle est vivante, qu’elle accueille largement, sans se prendre pour un groupe restreint de gens sélectionnés !
Nos difficultés montrent aussi que l’Église est composée d’êtres humains fragiles, limités, pécheurs. L’unité dans la diversité est difficile à construire. Imposer une uniformité nous éloignerait de l’Esprit de Pentecôte. Heureusement, nous avons en commun la volonté de chercher et d’accueillir l’Autre, l’Hôte, Celui qui nous demande l’hospitalité, qui nous éclaire de sa Lumière…

P. Jean Joncheray, sociologue.
Extraits de l’article „L'hospitalité, entre résistance et abandon“
croire.la-croix.com

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