Crucifix de San Damiano - I (détail) |
Aujourd’hui nous sommes tentés de dire que l’Église n’est ni sainte, ni catholique [universelle]… L’histoire de l’Église est remplie d’humains corrompus. Nous pouvons comprendre l’horrible vision de Dante qui voyait monter dans la voiture de l’Église les prostituées de Babylone, et nous comprenons les terribles mots de Guillaume d’Auvergne (XIIIe siècle), qui affirmait que nous devrions trembler face à la perversion de l’Église : « L’Église n’est plus une épouse, mais un monstre effrayant, difforme et sauvage… »
La catholicité de l’Église nous semble tout aussi problématique que la sainteté. Les partis et les batailles ont divisé la tunique du Seigneur, ont divisé l’Église en de nombreuses Églises qui prétendent être, de manière plus ou moins vive, la seule vraie et unique Église. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui l’Église est devenue pour de nombreuses personnes l’obstacle principal à la foi. On ne peut voir en elle que la lutte pour le pouvoir humain, le misérable théâtre de ceux qui, avec leurs affirmations, veulent absolutiser le christianisme officiel et paralyser le réel esprit du christianisme.
Cette perception se base non seulement sur des raisons fondées, mais aussi sur des cœurs déçus et blessés qui ont vu leurs attentes s’effondrer.
(...) « Église sainte » ne sous-entend pas que chacun de ses membres est saint, immaculé. Le rêve d’une Église immaculée renaît à toutes les époques mais n’a pas sa place dans le Credo; en réalité les critiques les plus vives envers l’Église viennent de ce rêve irréaliste d’une Église immaculée. (...) La sainteté de l’Église est celle du Christ, pas la nôtre. Mais c’est toujours vraiment la sainteté du Seigneur qui se fait présente ici, et il choisit aussi et justement les mains sales des hommes comme réceptacle de sa présence.
L’idée selon laquelle l’Église ne se mêle pas au péché est une pensée simpliste et dualiste, qui présente une image idéale et noble, mais pas réelle. Ce qui était déjà perçu comme scandaleux dans la sainteté du Christ, aux yeux de ses contemporains, était qu’il ne faisait pas descendre le feu sur ceux qui étaient indignes et ne cherchait pas la pureté en séparant le blé de l’ivraie.
La sainteté de Jésus se manifestait précisément dans ses rencontres avec les pécheurs, qu’il attirait à lui, en complète communauté de destin avec les égarés, révélant ainsi ce qu’est la véritable sainteté : non pas une séparation mais une unification ; non pas un jugement mais un amour rédempteur.
Joseph Ratzinger, à l’époque théologien,
Extrait de son « Introduction au christianisme « , 1969
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