24 septembre 2018

LES LOIS DE LA GERMINATION ÉVANGÉLIQUE






Dieu nous révèle: " Je suis Celui qui suis. " (Exode 3, 14) En lui, l'être et l'agir sont un seul et même acte, celui de la Vie. L'agir est le fruit logique de l'être, sa conséquence inéluctable.
Dans ce monde polarisé par le rendement et l'efficacité concrète, le peuple de Dieu quelque peu assoupi depuis des générations se réveille brusquement. Conscient de son retard - et dans sa hâte à rattraper le temps perdu -, il se laisse entraîner par l'irrésistible courant d'action qui entraîne l'humanité.
Que faire pour rejoindre la classe ouvrière ?
Que faire pour ne pas perdre les jeunes ?
Que faire pour susciter des vocations sacerdotales ?
Que faire pour intégrer les incroyants dans l'Église ? 
Que faire ?
Aujourd'hui comme hier, nous sommes toujours tentés de construire de main d'homme ce que l'Esprit Saint - si nous lui sommes ouverts - peut édifier à travers nous, mieux que nous.
Nous transformons ainsi en organisation ecclésiale ce qui doit être l'Église du Christ, la Maison du Père, cette demeure de lumière où règne l'Amour qui fait des frères… le Royaume de Dieu.
Cette tentation est une irrésistible séduction à cette heure du monde où tant de moyens efficaces s'offrent à l'Église pour hâter plus sûrement, pense-t-elle, l'accomplissement de l'oeuvre de Dieu.
(…)
Le corps visible de Jésus-Christ, la demeure qu'il s'agit d'édifier, est d'une autre nature et se doit d'obéir à d'autres lois, ces lois de vie que nous livre l'Évangile. Ce n'est pas de modalités de construction que le Christ nous entretient, sauf en quelques rares cas, mais des lois de la germination. il ne nous parle guère que de grain, de terre, de semailles, de moisson, de cep et de sarment. Expliquer ce choix d'images par le cadre sociologique, non urbain, de la prédication de Jésus serait insuffisant. Il y a dans le parti adopté par le Christ une intention pédagogique, clairement voulue.
Ä travers ses références à l'enseignement de la nature, il nous livre le maître secret de la Vie qui demeure, porte du fruit et ne peut pas mourir.
certes, lorsqu'il y a disette de vie chrétienne dans la Maison du Père et qu'une moisson rapide est urgente, il faut infiniment de courage et beaucoup de patience pour emprunter les cheminements de la vie et faire fidèlement pousser du grain.
On ne peut faire l'économie de l'hiver pour voir aussitôt reverdir le printemps et cueillir le fruit de sa peine. Il faut consentir à l'hiver, ce temps de l'extrême pauvreté, des efforts apparemment inutiles, alors que les racines se nouent aux intimes profondeurs où se prépare l'explosion de la sève et d'ù jaillira la munificence du printemps.
Il faut parfois consentir à pleurer humblement, sans donner le change, sur certains échecs visibles de la vie au sein du peuple de Dieu - car ces échecs sont souvent l'indice d'une insuffisante présence de l'Esprit saint - et déjà rendre grâce si, loin de vouloir cueillir hâtivement des fruits visibles, on est décidé à s'en aller chercher une profondeur plus grande encore pour y faire courageusement de nouvelles semailles, celles qui, le jour venu, crieront à la face du monde la gloire de Dieu.
" Si le Seigneur ne bâtit pas la maison, en vain peinent les bâtisseurs " (Ps 127, 1)  

Marguerite Hoppenot, fondatrice du mouvement SEVE, auteur
In " Cette vie qui m'est donnée ", éd. Médiaspaul, 2016 pp. 104-107

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