29 août 2018

NOTRE ESSENTIEL ET NOTRE SUPERFLU






Le regard scrutateur du Christ ne perd pas une miette de nos vies. Aussi regarde-t-il non pas isolément ce que nous donnons, mais le rapport entre ce que nous donnons et ce que nous avons à donner. Et finalement, cela pourrait devenir désagréable. Car il est désagréable que quelqu’un regarde par dessus votre épaule pour soupeser ce que vous allez sortir de votre porte-monnaie. Mais le regard de Jésus n‘arrive pas à ce moment-là de nos vies. Il n‘entre pas au moment de nos vies où il s‘agit de donner; il est entré de toute éternité pour moissonner avec nous, brasser l‘or de nos récoltes, pointer du doigt ce que nous avons et le faire fructifier. Avant de regarder ce que nous donnons, il a engrangé avec nous ce que nous avions reçu. Et cela - entre mille autres choses - le distingue d‘un contrôleur fiscal. 
Car ce que nous avons à donner relève d‘une comptabilité intime qui nous échappe parfois à nous-mêmes. Il s‘agit d‘une équation entre notre superflu et notre essentiel, pour reprendre l‘unité de valeur avec laquelle Jésus soupèse les offrandes qui défilent sous ses yeux. Notre superflu et notre essentiel ne sont connus que de Dieu, de Celui dont le regard est constant sur nos vies, non pour nous attendre au tournant, mais pour nous précéder vers le don et la libre circulation de nos trésors. Car nous ne possédons rien ici-bas, nous sommes les emprunteurs de Dieu. Et lui en voit le seul bénéfice de nous voir partager.
Il devient alors impossible, sous le regard du Christ, de ne pas donner. Non pas par obligation morale, mais pour s‘inscrire soi-même dans le mouvement à double vecteur du don: celui par lequel nous avons également à recevoir.
Le regard scrutateur du Christ ne perd pas une miette de nos vies. Il ne nous laissera pas gâcher nos richesses et manquer la joyeuse conversion par laquelle un quart de sou finit par nourrir l‘humanité plus sûrement que les trésors des rois.

Marion Muller-Colard, théologienne protestante 
Extrait de la méditation sur Marc 12, 38-44
Éclats d‘Évangile Bayard éditions  

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