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L’injustice faite à autrui nous touche, car nous nous reconnaissons en ceux qui en souffrent. La justice est un dû, une obligation. La miséricorde, elle, est un don gratuit de Dieu.
S’il est un désir chevillé en tout être humain, n’est-ce pas celui, impératif, de justice ? Qui d’entre nous n’entend pas son cœur murmurer en lui-même, à défaut de pouvoir le hurler toujours : «C’est injuste !» Comme si, en chacun de nous, une boussole interne indiquait : «Ceci est juste, ceci est bon, ceci est favorable à la vie» ; comme si notre conscience affirmait avec force : «Cet acte est injuste, cette manière de faire n’est pas à la hauteur de l’espérance de l’homme, cette conception du monde porte préjudice à la vie»…
Tous nous gardons tapis en mémoire quelques souvenirs d’injustices commises envers nous, qui nous faisaient tempêter et dire que nous ne recevions pas selon notre dû. Mais, l’âge et surtout l’éducation aidant – qui nous font habituellement nous ouvrir un peu plus à autrui –, nous avons épousé la cause de l’autre : l’injustice qui lui est faite est devenue celle qui m’est faite, qui nous est faite, dans une expérience en miroir.
(...) S’indigner de l’injustice faite à l’autre, c’est reconnaître l’autre en se reconnaissant en lui. L’autre avec qui je vis, de plus ou moins près, de plus ou moins loin, connu et inconnu ; cet humain blessé que je pourrais être. Le reconnaître comme un être humain concret auquel la vie peut faire subir tant de vexations ; cet enfant, cette femme, cet homme en qui l’humiliation subie peut saper parfois définitivement l’humanité, enfant, femme, homme auxquels la vie ne donne pas toute leur chance.
Reconnaître cet autre comme potentiellement un frère, une sœur… Ainsi, au-delà de nos peurs légitimes, pouvons-nous compatir aux injustices qui frappent ceux considérés comme des «moins que rien» par la «culture du déchet» pratiquée par nos sociétés.
Si la capacité d’indignation façonne en l’homme une sympathie et une empathie, elle incite aussi durablement les sociétés à une permanente capacité de réforme. Le désir de justice est bien autre chose qu’un «bon sentiment» narcissique : il habite l’inhumain d’espérance.
Le désir de justice appartient à l’humanité comme peuple, désireux de poursuivre sa route vers l’unité, vers le respect et la dignité. Ici s’érigent les institutions humaines chargées de «faire justice», de donner de la place à tous en commençant par ceux qui n’en ont pas, de réparer le mal fait à l’homme par l’homme et par ce que Jean-Paul II nommait «structures de péché», dont nous sommes tous complices.
Toutefois, premier est l’appel de la foi qui engendre en l’homme une ligne de progrès, d’amélioration, pas seulement personnelle mais sociale : les hommes sont faits pour vivre ensemble.
Sr. Mireille Hugonnard, théologienne moraliste, Université catholique de Lyon.
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