" Entre les perdrix il arrive souvent que les unes dérobent les oeufs des autres afin de les couver. Et voici chose étrange, mais néanmoins bien attestée. Le perdreau qui aura été éclos et nourri sous les ailes d'une perdrix étrangère, dès qu'il entend sa vraie mère qui a pondu l'oeuf duquel il procède, quitte la perdrix adoptive, de rend à sa première mère et se met à sa suite.
Il en est de même de notre coeur. Quoiqu'il soit couvé, nourri et élevé parmi les choses corporelles,basses et transitoires, et par manière de dire, sous les ailes de la nature, néanmoins, au premier regard qu'il jette en Dieu, à la première connaissance qu'il en reçoit, la première inclination naturelle d'aimer Dieu, qui était comme assoupie et imperceptible, se réveille en un instant."
Saint François de Sales
Extrait du "Traité de l'amour de Dieu" (La Pléiade)
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Un des obstacles qui me paraît difficile à surmonter pour aller vers Dieu est de penser à tort ou à raison que c'en est fini de la bonne humeur et des plaisirs de l'existence; en effet, on nous a répété qu'il fallait faire son devoir d'état, avoir des principes moraux pour se comporter droitement..., pour "gagner son Ciel" !
Lire François de Sales, c'est se rendre compte qu'il y a erreur en ce cas et sur le Ciel, et sur Dieu et sur le chemin qui mène à lui. Sur Dieu d'abord, car il n'est pas le justicier de l'Ancien Testament, mais le jardinier qui cultive ses roses avec amour, ou encore le maître qui laisse à son chien un collier - une trace - pour être sûr de toujours le retrouver. Erreur sur le chemin qui mène à Dieu, ensuite, car celui que propose François de Sales est un chemin que la vertu de dévotion aplanit sous nos pas, comme il le dit lui-même. Le parcours comporte par exemple l'exercice d'une petite vertu, l'eutrapélie, qui signifie l'exercice permanent - c'est là qu'est la vertu ! - de la bonne humeur, du sourire deevant la vie, doublé d'un certain sens de l'humour. C'est l'anti-ennui, cette grisaille du quotidien qui nous cache le sel des situations. Dieu nous veut heureux au Ciel, mais il nous veut aussi heureux sur la terre. Erreur enfin quant au Ciel, car celui-ci ne se mérite pas, c'est un don de Dieu gratuit de sa pure miséricorde, qui n'est certes pas dissociable de notre amour de Dieu mais qui est sans mesure avec nos vertus. Le Ciel reste un don et pas un dû.
Hélène Michon, maître de conférences à l'université de Tours
Rubrique "Le point de vue de..."
panorama février 2018

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