15 janvier 2018

QU’EST-CE QUE LA TENTATION ?



Image by Matthieu Giralt
À la fin du Notre Père, la formulation [devient] la suivante : "Ne nous laisse pas entrer en tentation". Le mot tentation n'a pas très bonne presse. Pourtant, on le trouve souvent dans la Bible…
Dans le Nouveau Testament, c'est un mot grec, peirasmos, qui signifie plutôt, dans le contexte des récits où il apparaît, l'épreuve. Aujourd'hui, le mot tentation évoque l'attrait du péché, il a une connotation moralisante qui n'apparaît pas dans la Bible. Ce que l'on traduit dans la Bible par tentation, c'est une expérience qui met à l'épreuve parce qu'elle ouvre deux voies, une voie vers Dieu et une voie qui nous en sépare. Et dans la Bible, la tentation, l'épreuve, c'est toujours l'épreuve de la foi. L'épreuve est le moment où s'ouvre la possibilité de douter de Dieu ou de l'accuser. "Que nul ne dise : Dieu m'a tenté" (Jacques, 1, 13). Car Dieu ne tente pas.
Cette phrase du Notre Père veut donc dire : "Ne nous laisse pas douter de toi" Et "Ne nous laisse pas" est à entendre au sens positif : Dieu ne nous tente pas, et il peut nous aider dans les moments difficiles à lui rester fidèles, à lui garder notre confiance.
On est bien loin de l'acception moralisante du mot tentation ! le mot a évolué. On a pu le comprendre à certaines époques comme un désir de tomber dans le péché, mais ce n'est pas ce que dit la Bible.
Il faut donc toujours en revenir à la lecture et à la compréhension de la Bible et s'interroger sur les images que nous nous faisons de Dieu. Qui est Dieu pour moi ? Est-ce un Dieu méchant, qui cherche à me faire tomber ? Ce n'est pas le Dieu que présente la Bible.
L'épreuve, dans nos vies de tous les jours, ce sont toutes les situations qui peuvent nous amener à douter, et à nous demander pourquoi, si Dieu est tout-puissant, tel ou tel malheur m'arrive, ce qui est très humain. Mais j'aime revenir à la lettre de Jacques : "Que nul, s'il est tenté dans sa foi, ne dise : C'est Dieu qui me tente". La lettre de Jacques parle de chrétiens persécutés, qui doivent faire preuve de persévérance, un mot qui revient souvent sous sa plume. La prière du Notre Père est un appel à être soutenu dans sa foi. Elle dit bien les tentatives de lutter contre une idée qui choque. Mais il faut continuer à lire la Bible et à se demander qui est Dieu pour moi.

Odile Flichy, bibliste et enseignante au Centre Sèvres à Paris,
"Mille questions à la foi" sur Radio Notre-Dame 24/03/2016. (extrait)
croire.com 23/11/2017

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« Le Notre Père fait partie du patrimoine spirituel commun de notre société »

S’il y a quelqu’un qui a un avis catégorique sur la nouvelle traduction française du Notre Père, c’est bien notre pape François. (...)
Et d’expliquer : « C’est moi qui tombe, pas Lui (Dieu) qui me pousse dans la tentation pour voir comment je tombe.
Un père ne ferait pas cela : un père aide immédiatement à se relever. »
Et d’insister : « Celui qui pousse à la tentation : c’est Satan : c’est le travail de Satan. » (...)
Il se trouve, par ailleurs, qu’il s’exprime sur une question qui répugne souvent à la mentalité contemporaine et qui, parfois même, dans l’Église suscite méfiance et dénégation.
« Le mal ce n’est pas le brouillard de Milan… ce n’est pas une chose diffuse, c’est une personne. »
Une personne que François prend terriblement au sérieux, dans un langage qu’on peut trouver proche de celui du saint curé d’Ars aux prises avec « le grappin ».
L’événement qu’a constitué le changement de traduction du Notre Père permet ainsi à l’opinion de prendre conscience des enjeux de la foi chrétienne. (...) Pourquoi Dieu, qui est sans idée du  mal, comme le dit saint Thomas d’Aquin, peut-il néanmoins permettre qu’il ait prise sur le monde et qu’il nous atteigne dans notre humanité la plus intime.
C’est la foi qui nous éclaire sur un tel mystère, auquel nul n’échappe.

Gérard Leclerc, journaliste
Extrait de « Dieu et le Mal »

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