22 janvier 2018

LES PRÊTRES AU GOULAG



Il est évident que le mot-clé de notre apostolat sacerdotal [dans les camps de prisonniers] était bien le "témoignage". Il ne s'agissait pas tant de prêcher Dieu ou de parler de religion que de vivre notre foi, cette foi que nous professions. D'abord, la plupart des prisonniers ne comprenaient pas pourquoi nous avions consacré notre vie à Dieu dans le travail, la souffrance et le sacrifice. Mais ils commençaient à nous respecter et de ce respect naissait un sens de l'admiration; parfois aussi, ils se mettaient à nous poser des questions. Ce n'était pas tellement ce que nous disions, mais plutôt ce que nous faisions ou encore la manière dont nous vivions qui les influençait. Ils connaissaient sur le bout des doigts le mode de vie dans les camps de prisonniers, ils connaissaient parfaitement le système carcéral et ils savaient très bien que les prêtres faisaient l'objet d'un harcèlement particulier de la part des autorités. Et pourtant, ils voyaient bien également que les prêtres refusaient de se laisser aller à l'amertume, ils les voyaient se dépenser pour aider les autres, ils les voyaient jour après jour se donner au-delà de ce qui leur était demandé, sans se plaindre, sans penser d'abord à eux-mêmes, sans regarder à leur propre confort ni même à leur propre sécurité. Ils les voyaient se rendre au chevet des malades, auprès des pécheurs, même auprès de ceux qui avaient abusé de leur confiance ou qui les méprisaient. Si un prêtre manifestait de l'intérêt pour ces gens-là, disaient-ils, c'est qu'il devait bien croire en quelque chose d'autre, qui le rendait plus humain et le rapprochait de Dieu en même temps. cette qualité était celle qui les attirait le plus chez le prêtre. Et c'était précisément cette qualité qui les faisait rechercher une nouvelle relation à Dieu, qui les aidait à se réconcilier avec sa loi et avec leur propre conscience. Aider des prisonniers à revenir à Dieu qu'ils avaient abandonné depuis longtemps ou qu'ils ignoraient tout simplement depuis de nombreuses années était notre plus grande joie et notre seule consolation.

Walter J. Ciszek, prêtre jésuite américain (1904-1984),a passé 23 ans entre 1940 et 1963 dans les prisons soviétiques et les camps de travail de Sibérie.
In "Avec Dieu au Goulag", éd. des Béatitudes, 2010

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