17 juillet 2017

"LE FARDEAU LÉGER"





Jésus nous invite à prendre son joug. (Mt 11, 25-30) Rappelons que le joug est l'instrument qui sert à associer deux animaux en vue de la traction d'un objet difficile à mouvoir. Les voici «conjugués», «conjoints». L'invitation à nous charger du joug du Christ peut nous effrayer, même si nous avons à le porter avec lui. Voilà qui mérite réflexion. Tout d'abord, n'oublions pas que nous porterons de toute façon, avec lui ou sans lui, le fardeau de la vie. Surtout, comprenons que le joug du Christ est en réalité le nôtre. C'est bien lui qui vient en premier porter nos détresses, nos défaillances, nos souffrances. Il vient se charger de notre fardeau, un fardeau qui ne vient pas de lui, qui n'est pas le sien mais qui le devient en vertu de cet amour qui le fait renoncer à sa condition divine (Philippiens 2, 5-11). La Croix n'ajoute rien à nos croix ; elle n'est pas un fardeau supplémentaire que Dieu viendrait ajouter à nos malheurs. Elle est la prise en charge par Dieu des poids qui nous accablent et c'est bien pour cela que le fardeau peut devenir léger. «Peut devenir léger» : il ne le devient pas automatiquement mais seulement si, par le chemin de la foi, nous acceptons de nous charger de ce joug qui était le nôtre mais est devenu celui du Christ. Alors nous ne sommes plus seuls à le porter. Le fardeau devient Croix et, par conséquent, nous pouvons le porter dans la promesse de l'issue pascale.
Dieu est l'être insaisissable qui fonde tout et nous donne tout, au-delà même de nos désirs les plus démesurés, mais il ne nous donne rien malgré nous. Il y faut l'assentiment de notre liberté. Là se trouve le fondement de notre dignité, car sans l'accueil libre du don qui nous est fait, don de nous-mêmes, nous ne serions pas images de sa liberté souveraine. Le refus du don peut prendre plusieurs formes. D'abord le dégoût de vivre, la solitude dans le désespoir. Mais aussi l'illusion de vivre par soi-même, l'ignorance acceptée et même cultivée du fait que nous venons d'un Autre. Le refus du «Toi» qui nous permet d'être «Je». Sans artifice, nous pouvons assimiler cette manière d'être soi au refus de porter le joug avec le Christ. Ce renfermement en soi-même, qui nous laisse dans l'orbite de la mort, est ce que Paul, dans notre seconde lecture, appelle la chair. La chair est clôture. L'Esprit, dont les symboles sont le vent et l'oiseau, est au contraire ouverture. Il vient nous visiter, nous habiter, pour nous faire sortir de nous-mêmes. Il est mouvement et liberté. «Il souffle où il veut», dit Jésus en Jean 3,8. Ouverture et aussi mouvement. Envol vers un ailleurs que nous ne pouvons deviner, car il est participation à la nature divine. Pour cela, point n'est besoin d'être intellectuel de haut niveau, ni théologien patenté : il suffit d'être confiant comme un petit enfant envers sa mère pour accueillir le Fils en qui le Père se révèle.

Père Marcel Domergue, jésuite (1922-2015)
commentaire sur Mt 11, 25-30 „Vous trouverez le repos“

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