Méditation, prière et oraison sont des choses différentes.
Dans la prière, on parle, on demande, tandis que dans l'oraison, on ne fait rien. Méditer, c'est apprendre à ne rien faire pour laisser la vie être en soi, c'est donc très proche de l'oraison.(...) Tous les grands auteurs chrétiens ont en commun l'idée que le point central de toute expérience humaine consiste à arrêter de penser que nous décidons de tout et que nous sommes au centre du monde, pour apprendre à laisser quelque chose d'autre en soi venir nous éclairer et nous donner une vraie nourriture (...). La perspective de la méditation comme de l'oraison, c'est d'arrêter de penser que c'est dans le combat pour obtenir des choses extérieures que nous serons comblés, mais que c'est en nous-mêmes que se trouve la source la plus profonde. Avec cet extraordinaire paradoxe que ce qui est en moi, au plus intime de moi-même, n'est pas moi-même et me libère du « moi, moi-même et encore moi ». Beaucoup de gens voient l'oraison comme une forme de narcissisme parce qu'on n'y fait rien. Nous sommes obsédés par l'idée que c'est seulement si l'on fait quelque chose que l'on fait quelque chose. Je crois que c'est un des grands problèmes de notre temps : les gens s'agitent et courent toute la journée, alors qu'en réalité ils ne font rien de réel, de juste et de bon. Ne rien faire au contraire, c'est peut-être faire quelque chose de décisif. Je dis souvent que méditer, c'est apprendre à se foutre la paix. Il est central d'apprendre à se foutre la paix pour découvrir autre chose que nos projets ou nos pré-conceptions. Mais l'oraison a un peu disparu du cadre de la pensée occidentale, y compris au sein du christianisme.
(...) L'oraison a souvent été défendue par des gens très simples, des femmes comme Thérèse d'Avila ou Jeanne d'Arc, Thérèse de Lisieux qui avait avec l'oraison un rapport révolutionnaire pour son temps... C'est la voie des plus simples. La plupart des gens croient que l'oraison est réservée aux grands mystiques. Mais le discours des pratiquants de l'oraison est le suivant : Je ne suis pas capable de grand-chose, donc je ne fais rien et, comme dit Thérèse, je me retrouve dans un ascenseur qui m'emmène au plus haut.
Les grands auteurs chrétiens le disent, l'oraison n'est pas un combat pour réussir quelque chose, car vouloir réussir quelque chose est encore mon projet à moi. Il s'agit de se désapproprier de soi-même, et l'on découvre qu'en se désappropriant de soi-même, on est beaucoup plus soi-même.
Fabrice Midal, philosophe
extrait de l'entretien " Méditation et oraison, est-ce la même chose ? "
croire.com
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